En ce dimanche, cinquante jours après Pâques, les chrétiens célèbrent la Pentecôte. La descente du Saint-Esprit sur les apôtres a littéralement donné naissance à l'Église, et chaque fois qu'un renouveau ou un miracle semble requis, les fidèles espèrent une nouvelle Pentecôte. Or, un miracle et de la force pour insuffler du renouveau, c'est exactement ce pour quoi le pape François doit prier en ce moment.

Le miracle, tout d'abord. Lors de sa visite en Terre sainte, François a convié le président palestinien Mahmoud Abbas et son homologue israélien Shimon Peres à venir prier pour la paix au Vatican. La date choisie, correspondant à la fête de la Pentecôte, n'est pas anodine.

En effet, selon la Bible, c'est lors de la venue de l'Esprit que Pierre se serait adressé à une multitude de peuples, chacun le comprenant dans sa langue maternelle. C'est un événement qui renverse l'épisode de la tour de Babel, un mythe biblique cherchant à expliquer pourquoi les peuples ne se comprennent pas et parlent diverses langues. Considérant que le conflit israélo-palestinien est devenu babélien depuis longtemps, réunir les deux présidents le jour de la Pentecôte est hautement symbolique.

Néanmoins, ceux qui suivent de près ce conflit savent bien qu'il faudra plus qu'un symbole pour le régler. On ne compte plus les fois où des espoirs de résolution partirent rapidement en fumée. François cherche d'ailleurs, tout en vantant la puissance de la prière, à ne pas créer d'attentes irréalistes.

Toutefois, au-delà de cette rencontre, le pape est bien positionné pour servir de médiateur à moyen terme. Tout d'abord, il n'est pas sans expérience, étant intervenu dans la dispute territoriale entre le Chili et l'Argentine en 1979. Puis il possède une autorité morale telle que ses deux interlocuteurs seraient bien malavisés de montrer de la mauvaise foi s'ils veulent conserver leurs faveurs politiques. Enfin, comme le souligne le vaticaniste John Allen Jr., François venant de l'hémisphère sud, il n'est pas associé aux intérêts occidentaux comme les papes précédents, ce qui fait de lui un médiateur plus crédible.

Réformer l'Église

La force d'insuffler un renouveau, maintenant. Le pape voit venir le synode extraordinaire d'octobre prochain, le premier vrai test à sa volonté de réformer l'Église en profondeur. Les enquêtes préparatoires faites dans plusieurs pays révèlent que les catholiques sont majoritairement favorables à des changements substantiels dans la manière qu'a l'Église d'enseigner sur le mariage et la famille. Mais les résistances seront considérables.

Depuis des lustres, la hiérarchie ecclésiale aborde le domaine de la moralité sous l'angle du précepte. « La foi chrétienne exige naturellement de faire ceci et d'éviter cela ». Or non seulement il est douteux qu'on puisse codifier strictement la façon d'être chrétien au lit ou ailleurs, mais cette approche laisse de glace la conscience de l'Occidental d'aujourd'hui.

Pour diverses raisons, il fut un temps où le sommet de la moralité était d'obéir à des règles. En contexte postmoderne, ce n'est plus le cas. Il n'y a plus de recettes éthiques toutes faites. Plus question d'adhérer aveuglément à des normes. De nous décharger, sur des préceptes, de notre responsabilité d'évaluer s'il convient de mettre un préservatif, de nous risquer dans telle aventure, etc. Nous sentons avec justesse que ce comportement nous cantonnerait dans l'infantilité morale.

À la Pentecôte, Pierre, ayant renié Jésus quelques jours auparavant, reçoit la force de proclamer sa foi avec audace. L'Esprit-Saint l'a rendu adulte dans la foi. Si une nouvelle Pentecôte souffle sur l'Église, elle fera en sorte que celle-ci ait l'humilité d'enseigner en sachant qu'elle a seulement, comme disait Paul Ricoeur au sujet des textes bibliques, « le pouvoir de susciter chez l'auditeur le désir de se comprendre lui-même ». Car c'est ainsi qu'on forme des adultes. Des adultes dans l'existence.

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