Faut-il fournir des armes à l'Ukraine afin de l'aider à combattre l'agression russe ? La question est maintenant ouvertement posée à Washington comme à Paris, et il semble que la réponse est non, du moins pour le moment.

Le secrétaire d'État américain John Kerry arrive aujourd'hui à Kiev et il n'aura pas une bonne nouvelle à annoncer aux Ukrainiens si l'on en croit un conseiller du président américain. « Fournir davantage d'armes n'est pas une réponse à la crise en Ukraine », a déclaré mardi soir Ben Rhodes, le conseiller adjoint à la Sécurité nationale de la Maison-Blanche. « Nous pensons toujours que la meilleure façon d'exercer une influence sur les calculs de la Russie passe par les sanctions économiques qui frappent profondément l'économie russe », a-t-il dit sur CNN.

Le problème ici est que le président russe Vladimir Poutine ne calcule visiblement pas de la même façon que les Occidentaux. Non seulement la Russie subit-elle les sanctions imposées par les Européens et les Nord-Américains, mais ses revenus pétroliers ont chuté de moitié depuis l'effondrement des cours. Si l'effet combiné de ces coups portés à l'économie russe se fait bien sentir, Poutine résiste toujours, comme en témoigne la nouvelle offensive des rebelles prorusses dans l'est de l'Ukraine.

Dès lors, plusieurs anciens responsables américains et européens estiment le temps venu de faire monter la pression sur Moscou en livrant des armes au gouvernement de Kiev. On ne parle pas encore d'une aide massive. Il s'agit plutôt de matériel défensif dont le déploiement permettrait d'atteindre des objectifs militaires et politiques.

Selon l'ancien ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine, « aider les autorités légales à se défendre est une mesure conservatoire et un moyen de rétablir le rapport de forces sur le terrain afin de contraindre la Russie à un compromis sans pour autant l'humilier », a-t-il dit au quotidien Libération.

Hésitations occidentales

Depuis le début du conflit en février 2014, les Occidentaux hésitent à fournir des armes à l'Ukraine pour ne pas ajouter de la guerre à la guerre. Les Européens en particulier redoutent l'escalade ou, pire, d'être considérés comme des « cobelligérants indirects » selon la formule de Védrine. En effet, depuis quelques années, Poutine accuse régulièrement les membres de l'OTAN de vouloir affaiblir son pays en intégrant d'anciennes républiques soviétiques dans le système militaire occidental. Pour lui, la « révolution » ukrainienne de l'an dernier n'est rien d'autre qu'un coup d'État déguisé visant à faire basculer l'Ukraine à l'Ouest.

Des livraisons d'armes confirmeraient la lecture que fait Moscou des intentions occidentales envers la Russie, d'autant plus que huit anciens responsables américains viennent de lancer un appel aux pays de l'OTAN, et en particulier à d'ex-républiques de l'Est toujours en possession d'armes soviétiques, leur demandant de porter secours militairement à l'Ukraine.

Au lieu de dissuader Poutine ou même d'équilibrer les forces sur le terrain, fournir des armes à l'Ukraine risquerait fort d'alimenter le conflit, et pour longtemps. C'est là un scénario tout à fait plausible. Une petite quantité d'armes arrive, puis, devant l'incapacité de l'armée ukrainienne à résister, d'autres livraisons d'armes arrivent, et le rythme s'accélère. En deux ou trois ans, le front s'élargit, et Moscou allume même des feux dans les pays baltes où sont établies des minorités russes. L'Occident se retrouve engagé dans une confrontation indirecte avec la Russie. Et pour quels résultats ?

L'Ukraine a le droit de se défendre et de recevoir des armes de qui voudra bien lui en livrer. Toutefois, au vu des centaines de milliers de morts causés par les interventions en Irak, en Afghanistan, en Libye et en Syrie, il serait judicieux de bien réfléchir aux conséquences que la livraison d'armes pourrait avoir au coeur de l'Europe.

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