Il est temps de le reconnaître: la stratégie occidentale visant à éliminer le régime de Bachar al-Assad en Syrie a échoué. La guerre civile entre maintenant dans sa cinquième année et toutes les initiatives occidentales ont mené à une impasse.

En fait, la situation actuelle est pire qu'en 2011: le président syrien est toujours en place, l'opposition est affaiblie, la Turquie et le Liban croulent sous le nombre des réfugiés et un groupe terroriste, l'État islamique, contrôle une vaste région entre l'Irak et la Syrie.

Au début 2011, avec la chute des présidents égyptien et tunisien, ils étaient nombreux, à Paris, Washington et Londres, à penser que le Printemps arabe était annonciateur d'un effet domino. Cette lecture de la situation n'était pas complètement fausse, mais elle s'est révélée superficielle. Les pouvoirs en place se sont montrés plus résistants que prévu. En Libye, Kadhafi est tombé, mais dans des conditions calamiteuses dont on peut constater aujourd'hui les résultats désastreux dans le pays et en Afrique subsaharienne.

L'autre front était la Syrie. La révolte populaire a gagné rapidement du terrain au point où l'opposition affrontait l'armée syrienne dans les faubourgs de Damas. En Occident, certains sabraient déjà le champagne dans l'attente imminente de la chute du président Assad. Elle n'a pas eu lieu, malgré l'aide financière et militaire occidentale et arabe à l'opposition, malgré le désarmement chimique du régime, malgré la dévastation d'une bonne partie du pays.

Les Occidentaux ont sous-estimé la résilience du régime syrien et l'appui dont ce dernier dispose dans le pays. Ils se sont aussi divisés sur une intervention plus musclée. La France était pour les bombardements ciblés contre les forces syriennes, les États-Unis voulaient surtout créer un rapport de force favorable à l'opposition dans le but de forcer Damas à la négociation, alors que le Canada estimait ne pas avoir à choisir entre la peste (le président Assad) et le choléra (l'opposition).

Un monstre

Entretemps, la crise syrienne a créé un monstre. Elle a permis l'émergence et le renforcement de groupes djihadistes et terroristes comme l'EI. Aujourd'hui, le front syrien est un désastre total, un bourbier sanglant où les États-Unis et leurs alliés arabes bombardent les combattants de l'EI et ménagent le régime syrien, ce qui contribue à affaiblir encore plus l'opposition. Devant ce constat, plusieurs tirent des enseignements et réclament un changement de stratégie. Ainsi, pour l'ancien premier ministre français François Fillon, «la stratégie occidentale au Proche-Orient est un échec». Il estime que la Syrie «constitue le foyer le plus dangereux dans la région».

Devant le danger, Fillon appelle à élargir les alliances au-delà de l'OTAN et à une discussion sérieuse avec la Russie et l'Iran, étapes qu'il estime nécessaires si l'on veut avoir un espoir de négocier une transition vers un autre régime en Syrie. Il n'est pas le seul à s'interroger. À Washington, la Maison-Blanche est moins martiale dans ses déclarations et soutient désormais les initiatives de la Russie, alliée du régime de Damas, pour un dialogue entre le régime et l'opposition. Mercredi à Moscou, les deux parties ont d'ailleurs renoué un dialogue rompu il y a un an.

Il n'y aura pas d'aboutissement rapide de la crise syrienne. Trop de sang a coulé, trop d'erreurs ont été commises. Il faudra une infinie patience pour renouer les fils entre les groupes politiques, les communautés, les individus.

Plus généralement, la débâcle syrienne devrait pousser les Occidentaux à s'engager dans une profonde réflexion sur leur propension à vouloir régler les problèmes à coups de bombes. Faut-il rappeler ici que depuis l'intervention illégale en Irak, des centaines de milliers de personnes, des Arabes musulmans pour la plupart, sont mortes au Proche-Orient à cause de l'arrogance et de l'impéritie des capitales occidentales? Il est vraiment temps de tout remettre à plat.

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