L'ouverture à Sotchi des Jeux olympiques d'hiver est d'abord et avant tout le triomphe d'un homme, le président russe Vladimir Poutine. À coups de pioches, de milliards de dollars et de mesures répressives, il a transformé une station balnéaire moribonde installée dans une des régions les plus violentes du monde, le Caucase, en un étincelant parc olympique où la planète entière est conviée à admirer la nouvelle Russie. Sa Russie. D'une certaine façon, Sotchi est un marqueur de la puissance russe, du moins jusqu'à un certain point.

Dès son accession au pouvoir en 2000, Poutine a annoncé son programme: reconstruire la puissance de la Russie afin de lui redonner la place centrale qu'elle occupait au temps de l'Union soviétique. Pour y arriver, il a lancé trois chantiers à saveur économique et géopolitique: exploiter au maximum les ressources naturelles afin de financer les missions traditionnelles de l'État - la sécurité, l'éducation, la santé, les infrastructures -, augmenter les capacités militaires du pays, et reconstituer avec certaines anciennes républiques soviétiques une aire d'influence visant à défendre ses intérêts et son futur statut de grande puissance.

Le défi du président était d'autant plus gigantesque que la Russie partait de loin. Les années Eltsine ont été celles du chaos économique, du rétrécissement géopolitique et du pillage des biens publics par une vingtaine d'oligarques devenus milliardaires en mettant la main sur les richesses de la Russie. Poutine a pris les grands moyens pour en finir avec cette situation.

Le pétrole, le gaz et les minerais précieux et rares ont constitué le carburant nécessaire au programme du président et financé les grands projets industriels, les infrastructures et les projets de prestige comme Sotchi. Le pari a fonctionné pendant presque dix ans. La croissance du PIB a oscillé entre 8 et 10% annuellement au cours de la première présidence Poutine, qui s'est achevée en 2008.

La Russie a liquidé sa dette extérieure et a rejoint le groupe des pays émergents. Plusieurs analystes, dont ceux du FMI, lui ont prédit des jours encore plus glorieux. La richesse ainsi retrouvée a irrigué une bonne partie de la société. Elle a servi aussi de levier à une politique internationale de plus en plus en opposition avec l'Occident.

Malgré un appui sans faille à la guerre au terrorisme, Moscou est entré en conflit avec la Géorgie et a montré sa différence dans les dossiers iranien, libyen et syrien. En Europe et en Asie centrale, Moscou a repris pied dans certaines anciennes républiques soviétiques comme la Biélorussie, l'Ukraine et le Kazakhstan.

Pourtant, derrière la vitrine glamoureuse de Sotchi, se cache une Russie moins en forme qu'on le croit. L'an dernier, l'économie russe a connu sa pire performance depuis cinq ans, il est vrai dans un contexte mondial déprimé. Le FMI prédisait une croissance de près de 9%, elle n'a été que de 1,4%. La Russie a fait moins bien que les autres pays émergents.

La stratégie de reconstitution de l'empire russe connaît aussi ses ratées. Le projet d'Union économique eurasienne qui doit voir le jour en 2015 se heurte à de fortes réticences des élites et des peuples, particulièrement en Ukraine, en Géorgie et en Moldavie. Et Moscou ne détient pas toutes les cartes pour entraîner ces pays. En fait, la crise en Ukraine en dit plus sur les luttes de pouvoir entre clans ukrainiens que sur la puissance réelle de la Russie dans ce pays.

Vladimir Poutine n'a pas à rougir de son bilan. Il a livré la marchandise. La Russie est de retour, mais le chemin sera long avant d'en faire un État moderne et démocratique.

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