Aujourd'hui, à Genève, les représentants du gouvernement syrien et ceux d'une partie de l'opposition se rencontrent en face à face pour la première fois depuis le déclenchement de la révolte antigouvernementale il y a exactement trois ans. Ils entament un processus de négociations de paix qui de toute évidence sera long et semé d'embûches.

Ainsi, lors du lancement officiel des négociations à Montreux, mercredi, les deux parties sont restées campées sur leur position et ont donné un avant-goût du ton qui risque de régner au cours de cette première rencontre.

Pour le régime syrien, appuyé par la Russie, il est catégoriquement exclu que le président Bachar Al-Assad quitte le pouvoir. À quoi répond l'opposition, appuyée par les États-Unis, que le seul objectif de la présente négociation est justement de s'entendre sur l'établissement d'un gouvernement de transition d'où le président serait exclu.

Ces postures s'expliquent aisément : chaque camp s'estime suffisamment fort sur les plans diplomatique et militaire pour ne rien céder. En effet, si le gouvernement syrien est isolé sur la scène internationale - sur 40 pays représentés à Montreux, les alliés de Damas se comptaient sur les doigts d'une main - il peut compter sur le soutien sans faille de la Russie, de la Chine, de l'Irak, de l'Iran et du Hezbollah libanais. Ceux-ci alimentent en armes - et parfois en hommes - les forces du régime et lui permettent de reconquérir petit à petit certains bastions de l'opposition.

De son côté, l'opposition anti-Bachar reçoit un appui militaire et financier des grandes puissances occidentales et de riches pays arabes qui lui permet d'exercer une pression considérable sur les forces gouvernementales.

Toutefois, l'opposition pâtit de ses divisions. À Genève, elle n'est qu'une des factions et pas nécessairement la plus représentative. Les autres, celles sur le terrain et qui luttent au quotidien contre le régime, rejettent le processus lancé par la communauté internationale.

Et comme si les choses n'allaient pas déjà assez mal, la rébellion anti-Bachar doit maintenant affronter un autre ennemi, l'État islamique en Irak et au Levant, fortement influencé par Al-Qaeda. Ce nouvel acteur profite des divisions et de la guerre pour avancer ses objectifs radicaux.

Dès lors, les négociations peuvent-elles extirper la Syrie de la guerre et la faire renaître? Le prince Hassan de Jordanie en doute beaucoup. Dans une entrevue publiée récemment, le prince, dont le pays est submergé de réfugiés syriens, s'est montré très pessimiste sur l'issue des négociations de paix. Dans cette affaire, a-t-il affirmé, on se retrouve avec « deux camps qui ne connaissent pas le compromis » et qui sont appuyés par « des grandes puissances menant des politiques byzantines ».

Pour sa part, le médiateur de l'ONU et de la Ligue arabe pour la Syrie, Lakhdar Brahimi, n'a pas le temps de s'épancher et n'est pas du genre à spéculer. Diplomate consommé depuis son rôle joué dans la libération des otages américains en Iran en 1980, Brahimi envisage les négociations au jour le jour. Il a déjà obtenu une première victoire en convainquant les deux délégations de se rencontrer dans la même salle, aujourd'hui.

Son objectif à court terme est d'engager suffisamment les deux parties dans les négociations pour qu'elles acceptent de poser un premier geste. Comme, par exemple, libérer des prisonniers et mettre en place des cessez-le-feu locaux afin de permettre l'acheminement de l'aide humanitaire. À partir de là, la glace sera brisée et, qui sait, les deux parties accepteront peut-être de poser de nouveaux gestes.

À ce rythme, la paix n'est pas pour demain, mais au moins, les Syriens se parlent. C'est déjà le début d'un commencement.

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