Le président Barack Obama a annulé un sommet avec son homologue russe Vladimir Poutine qui devait se tenir en marge de la rencontre des pays du G20 à Saint-Pétersbourg au début de septembre. Cette mauvaise décision est essentiellement dictée par des considérations de politique intérieure et n'a rien à voir avec la substance des relations américano-russes.

Washington a justifié la décision présidentielle par le manque de «progrès» dans les relations américano-russes «sur des questions comme la défense antimissile, la prolifération nucléaire, le commerce, les questions de sécurité et de droits de l'homme». À cela s'ajoute l'irritant que constitue «la décision décevante de la Russie d'accorder un asile temporaire à Edward Snowden», a dit le porte-parole du président.

On peut comprendre l'irritation du président à propos d'Edward Snowden. Cette affaire est devenue planétaire et surmédiatisée. L'informaticien, qui n'est pas un espion russe, a ses détracteurs, mais aussi de nombreux partisans, même aux États-Unis. Ses révélations sur l'écoute électronique et la lecture des courriels de tout un chacun à l'échelle planétaire ont forcé démocrates et républicains à exiger plus de transparence de la part des agences d'espionnage et un renforcement de la protection des droits et libertés.

À l'étranger, cette affaire a permis à la Russie et à la Chine, mais pas seulement à ces deux pays, de pointer du doigt l'hypocrisie de Washington qui ne cesse d'accuser les autres puissances de l'espionner.

Washington a réagi durement au cas Snowden, qui s'ajoute à ceux de Julian Assange et du soldat Manning. Trop, certainement, comme on a pu le constater lorsque l'avion présidentiel bolivien a été forcé d'atterrir d'urgence en Autriche, car on le soupçonnait de transporter Snowden. C'était excessif et certainement illégal.

Reste que dans ce domaine, il ne faut pas être naïf: quelque chose me dit que les Snowden ou Assange russes ou chinois seraient déjà six pieds sous terre ou, avec de la chance, réfugiés aux... États-Unis.

En annulant sa rencontre personnelle avec le président russe, Barack Obama a surtout voulu apaiser la fureur des républicains et leurs relais chez Fox News et dans la page éditoriale du Wall Street Journal. Depuis le début de l'affaire Snowden, il n'y a pas une journée qui passe sans qu'on accuse le président de «faiblesse» en matière de politique étrangère et qu'on exige une révision radicale des relations avec la Russie.

Obama a donc jeté un os à la meute. Toutefois, mettre au premier plan le manque de progrès dans les relations américano-russes comme principale raison pour annuler la rencontre ne tient pas la route. Un président américain a-t-il déjà annulé une rencontre prévue avec les leaders palestiniens et israéliens parce que rien ne bougeait dans ce dossier? Jamais.

Les relations entre les deux pays depuis l'arrivée au pouvoir de Poutine en 2000 ont toujours été turbulentes, et tant Moscou que Washington en portent la responsabilité. Les sujets qui fâchent sont nombreux entre les deux pays, mais aussi entre Washington et ses alliés européens. Le dossier de la défense antimissile a longtemps braqué les Européens. Sur la question du nucléaire iranien, les Européens n'ont jamais été de chauds partisans de l'option militaire. D'ailleurs, le président Poutine sera à Téhéran le 16 août, devenant ainsi le premier chef d'État d'une grande puissance à se rendre en Iran depuis la révolution de 1979. Obama aurait profité d'un tête-à-tête avec Poutine afin de parler du nouveau président iranien et de la question nucléaire.

Les relations américano-russes ne devraient pas souffrir de ce contretemps. Déjà demain à Washington, le secrétaire d'État John Kerry et le secrétaire à la Défense Chuck Hagel rencontrent leurs homologues russes. Il faut espérer que leurs discussions se concentreront sur l'essentiel et non l'accessoire.

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