Le conflit syrien semble prendre une autre dimension avec ces accusations concernant l'usage d'armes chimiques contre des civils. Au début de mars, des rapports de presse et des témoignages provenant d'Alep indiquaient que des armes chimiques auraient été utilisées lors de combats entre forces gouvernementales et rebelles. Les deux côtés se sont mutuellement accusés d'en avoir fait usage.

À la demande de Damas, l'ONU a mis sur pied une commission d'enquête, mais le régime syrien n'a toujours pas autorisé les experts onusiens déployés à Chypre à entrer sur son territoire afin d'enquêter.

Depuis quelques jours, les leaders occidentaux ont amplifié ces accusations, mais leurs réactions face à cette affaire donnent l'impression que chacun est très embarrassé. Présidents, premiers ministres et ministres, d'habitude si prompts à accuser le régime de Damas de tous les crimes, mettent la pédale douce. Ici, le choix des mots a son importance et tout est dans l'art de dire sans avoir l'air d'être catégorique.

Ainsi, la France «n'a pas de certitude» sur l'utilisation d'armes chimiques, et les Américains et Britanniques ont «seulement des indices», a déclaré lundi le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius. À Londres, le premier ministre David Cameron a été un peu plus affirmatif sur «des preuves limitées» d'utilisation des armes, mais il s'est montré prudent sur l'origine de ces attaques «probablement par le régime», ce qui implique que l'opposition appuyée par les Occidentaux ne serait pas sans taches.

Enfin, mardi, le président Barack Obama a rappelé avoir tracé l'an dernier une ligne rouge au-delà de laquelle les choses pourraient basculer vers une intervention militaire si l'attaque était prouvée. Toutefois, si Obama a confirmé l'existence de preuves, il était plus prudent sur la chaîne causale des événements: «Nous avons maintenant des preuves que des armes chimiques ont été utilisées en Syrie, mais nous ne savons pas par qui, ni quand, ni comment. Nous n'avons pas d'éléments de traçabilité établissant ce qui s'est exactement produit.»

Il faut dire que cette controverse sur l'utilisation d'armes chimiques tombe plutôt mal pour les Occidentaux. Il y a dix ans, Américains et Britanniques envahissaient l'Irak sous le prétexte de la présence d'armes de destruction massive.

Sur le terrain, les Occidentaux doutent de plus en plus de la solidité et de la fiabilité de la coalition rebelle. Dans quelques jours, l'embargo européen sur les armes doit être discuté par les 27 membres de l'Union européenne. Il n'y a pas si longtemps, la France et la Grande-Bretagne exigeaient sa levée. Elles semblent avoir aujourd'hui perdu de leur enthousiasme face au fractionnement du camp rebelle. Le chef modéré de ce camp vient d'être remplacé par un extrémiste. Les islamistes apparentés à Al-Qaïda gagnent des adeptes alors que des éléments de l'Armée syrienne libre se livrent au pillage et au racket. Interrogé sur la levée de l'embargo, M. Fabius a estimé que «le négatif ou en tout cas l'incertain, c'est que la coalition des résistants n'est pas aussi unie qu'on (le) voudrait».

La commission d'enquête de l'ONU, advenant qu'elle puisse entrer en Syrie, devra déterminer si l'utilisation d'armes chimiques s'est produite et, dans ce cas, s'il s'agit d'un acte délibéré ou d'un déversement accidentel (une option qui n'est pas à écarter et qui explique le «comment» d'Obama) et qui en est responsable.

Compte tenu de ces éléments, arriver à une conclusion claire et précise relèvera du miracle. Et si le miracle devait se produire, alors la communauté internationale devra juger si la ligne rouge établie par Obama aura été franchie et si une intervention militaire se justifie.

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