La semaine dernière, au moment même où le nouveau président chinois Xi Jinping effectuait une visite en Afrique, Barack Obama recevait à Washington quatre présidents africains. Hasards du calendrier ou gestes calculés? En tout cas, cet intérêt marqué envers l'Afrique est une bonne nouvelle pour un continent dont on disait il y a peu qu'il était à ranger au rayon des causes perdues.

Dans une de ses éditions de mai 2000, l'hebdomadaire britannique The Economist consacrait sa une à l'Afrique qu'il décrivait comme un continent «sans espoir». Le verdict était sans appel. Treize ans plus tard, l'hebdomadaire fait amende honorable. Il vient de consacrer un dossier de 15 pages à ce continent qu'il juge aujourd'hui «plein d'espoir».

Que s'est-il passé entre temps? L'Afrique a bénéficié de la conjonction de trois facteurs positifs: le dynamisme de sa population, la démocratie, enfin, et, sans doute le facteur le plus déterminant, l'intérêt de nouvelles grandes puissances pour ses richesses naturelles.

Au moment où l'on affichait une mine attristée à propos du continent, les Africains, eux, bougeaient. La scolarisation et l'urbanisation ont créé une classe moyenne déterminée à prendre sa place. Le marché intérieur a explosé, ce qu'illustre bien l'extraordinaire succès du téléphone portable. Cette vitalité économique a accéléré la démocratisation des États commencée dans les années 90. Aujourd'hui, l'homme fort, le dictateur, est une espèce rare et en voie de disparition.

Parallèlement à ces évolutions, l'Afrique est devenue attrayante, du moins pour de nouvelles grandes puissances. La France et la Grande-Bretagne sont toujours présentes, mais elles perdent chaque jour du terrain au profit de la Chine, du Brésil, du Japon, de l'Inde et de la Turquie. La raison en est bien simple. Selon la Commission économique pour l'Afrique, le continent «détient environ 12% des réserves de pétrole du monde, 40% des réserves d'or et 80 à 90% des réserves de chrome et de platine. Il possède de vastes ressources en bois et 60% des terres arables non utilisées.» Le premier pays à avoir compris ce potentiel, c'est la Chine. Elle y est présente depuis 20 ans. Entre 2010 et 2012, le président et le premier ministre chinois ont visité tous les pays africains sans exception. Où sont le président américain et le premier ministre canadien?

Aujourd'hui, le commerce entre la Chine et ses partenaires africains atteint 170 milliards par an. La Turquie compte un réseau de 31 ambassades. L'Inde, malgré une présence en Afrique depuis la fin du XIXe siècle, gagne du terrain. Sur le modèle français, puis chinois, elle organise régulièrement un sommet Inde-Afrique regroupant les chefs d'État des deux côtes de l'Océan indien. Avec quelque 6000 Casques bleus, elle est le deuxième contributeur de troupes de l'ONU en Afrique après le Pakistan.

Les médias aussi s'intéressent au continent. Lors d'un vol entre Dakar et Addis Abeba en février dernier, j'étais assis à côté d'un jeune journaliste indien représentant The Hindu, un grand quotidien anglophone. Aman Sethi a 30 ans et vient de s'installer dans la capitale éthiopienne. Il n'a pas eu de difficulté à convaincre ses patrons. «L'Afrique, ce n'est plus seulement les conflits, même si l'on doit les couvrir, me disait-il. C'est tout un continent qui émerge sur la scène internationale. Il fallait y être pour l'expliquer à nos lecteurs.»

La présence des nouvelles puissances en Afrique entraîne son lot de critiques. La Chine est accusée de reproduire le modèle colonial européen en achetant des minerais et en vendant des produits manufacturés, ce qui a fait dire au président sud-africain Jacob Zuma que la structure des échanges «n'est pas viable sur le long terme.» L'avenir est à la production industrielle locale. C'est le prochain chantier pour les Africains s'ils veulent renforcer leurs économies.

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