Le régime du président Bachar al-Assad a-t-il l'intention d'utiliser ses armes chimiques contre les rebelles syriens? En tout cas, la menace est à ce point prise au sérieux que les États-Unis et l'OTAN ont averti mardi que toute utilisation de ces armes entraînerait «une réaction internationale immédiate».

La Syrie est un des rares pays à n'avoir pas signé les traités concernant l'interdiction de produire, de stocker et d'utiliser des armes chimiques et bactériologiques. Jusqu'en juillet dernier, Damas niait toutefois en posséder. Puis, à la question d'un journaliste, le porte-parole du ministère syrien des Affaires étrangères, Jihad Makdissi, a eu cette réponse pour le moins directe et révélatrice. «Aucune arme chimique ou non conventionnelle ne sera utilisée contre nos propres citoyens. Elles ne seront jamais, jamais, utilisées contre nos citoyens, quelle que soit l'évolution de la crise. Ces armes ne seront utilisées qu'en cas d'agression étrangère.» Donc, les civils seront épargnés, mais sans doute pas les rebelles identifiés comme fer de lance d'une agression étrangère. Ce que l'Occident soupçonnait sur les armes chimiques venait d'être confirmé. Makdissi, lui, a fui son pays la semaine dernière et il est en route pour Washington.

Les craintes américaines et occidentales au sujet des intentions du régime envers les rebelles ont été récemment avivées par un article du Wall Street Journal voulant que l'armée syrienne déplace ses armes chimiques d'un point à l'autre du pays. Ce n'est pas la première fois que ce genre d'information circule dans la presse internationale. Cette information peut être fausse, la guerre étant le lieu par excellence de la manipulation et du mensonge. Mais ce dont on est certain, c'est que ces armes existent bien. Il s'agit maintenant de savoir si Damas en usera.

La Syrie n'a jamais utilisé d'armes chimiques même lors des guerres avec Israël. C'est vrai, mais la survie du régime syrien n'a jamais été autant menacée qu'aujourd'hui. Les rebelles opèrent dorénavant dans Damas au point où l'aéroport est régulièrement fermé. Des parties importantes du territoire sont entre leurs mains. Ils reçoivent des quantités impressionnantes d'armes.

Dans d'autres circonstances, en Irak, Saddam Hussein avait utilisé ses armes chimiques contre l'Iran lors de la guerre de 1980-1988 et même contre sa propre population kurde. Rien n'est donc impossible lorsqu'un régime est aux abois.

Pour l'instant, le comportement de l'armée syrienne et les déclarations du gouvernement sur l'usage des armes chimiques semblent être parfaitement coordonnés afin de produire des résultats plus psychologiques que militaires. Dans un premier temps, il s'agit de rappeler aux rebelles que le régime peut les utiliser contre eux. Dans un deuxième temps, la présence bien visible de ces armes peut avoir un effet dissuasif sur la volonté des Occidentaux d'attaquer la Syrie. Si cette attaque devait quand même se produire, alors l'ouverture du feu chimique risquerait d'être tragique tant pour les Syriens que pour les militaires occidentaux.

Ce scénario catastrophe est rejeté par plusieurs observateurs. «Si Bachar al-Assad, au bout du rouleau, faisait usage de ces gaz, cela représenterait une ligne rouge pour le président syrien lui-même, dit Philippe Moreau Defarges de l'Institut français des relations internationales. Il signerait sa fin et ne pourrait plus trouver refuge à l'étranger.»

Le spécialiste français n'a pas tort, ce qui lui fait d'ailleurs dire que toutes les gesticulations syriennes à propos des armes chimiques, «c'est du bluff». Or, le président syrien a été clair sur son sort: il mourra au combat. Rien de très rassurant.

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