Ils n'ont pas cessé de parler d'elle au cours des derniers mois. Et pourtant, lundi, lors du troisième débat entre Mitt Romney et Barack Obama consacré à la politique étrangère, la Chine a été la grande oubliée. À peine quelques minutes, à la fin d'une heure et demie d'échanges.

Pourquoi aborder ce sujet en fin d'émission? La réponse est simple: la tyrannie de l'actualité, du moins celle entretenue par les experts et les journalistes. En fait, le débat s'est transformé en un grand commentaire sur des éléments d'actualité et ceux-ci ont porté sur les affaires du Proche-Orient et l'islam. Sur l'Europe, la Russie, l'Amérique latine, l'ONU, les droits de la personne, rien de sérieux, sinon au détour d'une phrase.

La place consacrée au Proche-Orient et à l'islam était donc sans commune mesure avec les nombreux défis auxquels sont confrontés les États-Unis à l'heure actuelle. L'un d'entre eux est la Chine. Les candidats l'ont abordé par une formule-choc, mais qui ne reflète aucunement la complexité de la relation avec les États-Unis et l'importance de la Chine dans le système international. Obama a estimé que la Chine «est un adversaire, mais peut être un partenaire» alors que Mitt Romney a réitéré sa promesse de la désigner comme un pays manipulateur de devises au lendemain de son entrée en fonction comme président.

Il y avait pourtant beaucoup à dire sur les relations entre la Chine et les États-Unis. Celles-ci structurent en effet un ensemble de questions aussi vitales pour l'économie et la sécurité de ces deux pays que pour le reste du monde. L'Amérique demeure la seule «hyperpuissance» de la planète, mais la Chine fait de spectaculaires progrès pour la rejoindre.

Ses lignes de force sont impressionnantes. La production manufacturière et le PIB chinois dépassent ceux des États-Unis. La croissance se maintient à un rythme à faire pâlir les leaders occidentaux. La Chine investit dans les terres agricoles et les minerais en Afrique, dans les entreprises et les infrastructures en Europe et en Amérique latine et lorgne de grands groupes pétroliers canadiens. L'an dernier, sa contribution à la croissance mondiale a été de 27%. Cette puissance économique trouve sa contrepartie sur le plan militaire où le pays augmente rapidement son budget de défense. Cela a pour effet de rendre très nerveux un certain nombre de pays asiatiques.

La Chine projette une image de vitalité et de force, et les deux candidats en ont souvent parlé au cours des derniers mois pour s'en inquiéter. Mais cette Chine n'est pas invulnérable. Elle a de sérieuses faiblesses qui ont déjà et auront à l'avenir des effets sur sa place dans le monde. Environ 36% de la population vit avec moins de 2$ par jour, le vieillissement de la population s'accélère, le PIB par habitant le place 120e sur le plan mondial, les ingénieurs chinois sont incapables de produire des technologies militaires sophistiquées, au point où la Chine a recommencé à acheter en Russie. Enfin, la mainmise du Parti communiste sur la vie politique est de plus en plus contestée.

Les États-Unis ne sont pas sans moyens pour faire face à la Chine. Dans son dernier livre consacré à la Chine, Henry Kissinger rappelle la responsabilité des États-Unis dans le maintien de sa compétitivité économique et de son rôle dans le monde. Il met en garde les experts et les politiques contre l'agitation du jour. Il faut voir plus loin. «L'humeur du moment a moins de pertinence que la capacité d'établir un modèle d'action qui permettra de surmonter les inévitables changements de circonstances» entre les deux pays, écrit-il. Voilà qui donne matière à réflexion au prochain président.

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