La diplomatie américaine vit des moments difficiles. En quelques jours, deux ambassades et un consulat ont été attaqués dans le monde arabe et à Benghazi, en Libye, plusieurs membres de leur personnel tués. Les États-Unis sont toujours impopulaires dans cette région, mais ces attentats ont été planifiés par des radicaux engagés dans une lutte pour le pouvoir.

Ce n'est pas la première fois que des diplomates américains sont assassinés dans le monde arabe. Le premier attentat remonte à 1973, à Khartoum, au Soudan. L'ambassadeur et un membre de son personnel ont alors été abattus par un commando palestinien de Septembre Noir. Il y en a eu plusieurs depuis.

Les violences antiaméricaines des derniers jours auraient été déclenchées par un film anti-islam. C'est une excuse. Depuis les accessions à l'indépendance des années 50, les pays du monde arabe, à quelques exceptions près, sont secoués par des violences politiques, sociales et militaires presque permanentes. Coups d'État, assassinats politiques, répression massive, guerres civiles, actes terroristes jalonnent leur histoire récente.

Les causes internes et externes de ces violences sont multiples. Sur le plan intérieur, on parle de pauvreté, de sous-développement, d'accaparement des richesses par une minorité, de persécution des minorités. C'est un aspect du problème.

La vraie cause, me semble-t-il, est politique. Après tout, en Afrique et en Amérique latine, les causes sociales de la violence ont été, et sont parfois, aussi aiguës que dans le monde arabe. Mais une chose a changé sur ces continents: la démocratie s'est installée.

Le monde arabe est la seule région de la planète où les systèmes politiques sont verrouillés depuis toujours. La démocratie, la liberté et la règle de droit y sont systématiquement bafouées. Les révoltes de l'an dernier ont ébranlé quelques citadelles, mais tout reste très fragile. Si des partis islamistes prennent le pouvoir démocratiquement, ils sont déjà confrontés à une opposition islamiste radicale. On le voit clairement en Tunisie, en Libye, en Égypte et au Yémen.

Sur le plan extérieur, les pays occidentaux ont longtemps influencé la vie politique du monde arabe. La présence militaire américaine, l'appui à Israël, le blocage du processus de paix israélo-arabe suscitent des colères et des haines profondes. Pour autant, la main de l'Occident est moins pesante qu'il y a 20 ou 30 ans.

La nationalisation du pétrole a enrichi de nombreux pays arabes, à commencer par la Libye, l'Irak et l'Arabie saoudite. Qu'ont-ils fait de cet argent? Parfois, ils ont investi dans les systèmes d'éducation et de santé, mais la plupart du temps, ils ont acheté des armes et tenté d'acquérir la bombe atomique, dépensé sans compter pour des projets pharaoniques, financé les partis et les mouvements islamiques les plus fanatiques, manipulé la cause palestinienne afin d'attaquer Israël et ainsi détourner l'attention de leur peuple du caractère inique des régimes en place.

Enfin, si les États-Unis occupent toujours une place prépondérante au Proche-Orient, ils ne sont plus les seuls joueurs. Deux pays musulmans non arabes, la Turquie et l'Iran, pèsent de tout leur poids et profitent du désordre et de l'affaiblissement général pour avancer leurs pions.

À Benghazi, à Sanaa, au Caire, il n'y a pas eu de colère «spontanée» contre le film anti-islam et de débordements «imprévisibles» contre les représentations diplomatiques. Tous ces événements ont été parfaitement chorégraphiés par des groupes, des mouvements et même des partis politiques reconnus. Ces acteurs mènent une lutte violente pour le pouvoir. Ils profitent de la faiblesse des gouvernements en place.

La tension va baisser dans les prochains jours, mais à défaut d'une véritable révolution démocratique, dans les esprits comme dans les pratiques, le feu va se rallumer bientôt.

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