Pour le gouvernement syrien, l'affaire est entendue. Le soulèvement actuel est une tentative «de faire tomber le régime» et celle-ci «a échoué une fois pour toutes», a affirmé samedi le ministère syrien des Affaires étrangères.

Il faut bien le reconnaître: ni l'opposition syrienne ni ses appuis à l'étranger n'ont réussi depuis un an à mettre sérieusement en danger le régime au pouvoir à Damas. Le président Assad est toujours aux commandes, et ses forces armées et de sécurité contrôlent l'essentiel du pays. Une partie de la population le soutient. La Russie et la Chine sont à ses côtés.

Dans l'autre camp, c'est, pour être charitable, le désordre. D'un côté, il y a l'opposition syrienne. Elle est composée d'une coalition hétéroclite où se côtoient des porte-parole bon chic bon genre, installés à Paris et qui sont le visage moderne et modéré offert aux médias occidentaux, d'anciens tueurs du régime reconvertis en démocrates, des déserteurs aux motivations inconnues et des islamistes purs et durs. Tout ce beau monde ne s'accorde pas sur la stratégie à adopter pour atteindre le même objectif, le départ du clan Assad, mais réclame aides financières et militaires.

De l'autre côté, les soutiens occidentaux et arabes n'offrent guère une image plus cohérente et rassurante. La semaine dernière, à Bagdad, la Ligue arabe, pourtant en première ligne du combat anti-Assad l'automne dernier, a refusé de condamner le président syrien et accueilli en grande pompe un autre criminel, le président soudanais. Dimanche, réunis à Istanbul, les quelque 70 pays «amis de la Syrie» ont été incapables de s'entendre sur une position forte envers le régime syrien.

Tout au plus ont-ils reconnu l'opposition syrienne comme interlocuteur légitime, et certains ont promis de verser jusqu'à 300 millions de dollars aux rebelles afin de financer les salaires des soldats déserteurs et l'aide humanitaire. Pas question d'armes, du moins officiellement. Et ce n'est pas du goût de tous. Les États-Unis refusent d'armer - et on peut les comprendre, car ils redoutent le bain de sang généralisé - alors que l'Arabie saoudite, cette dictature rétrograde, souffle sur les braises et appelle à l'action militaire.

Le front anti-Assad se lézarde donc, et le président syrien s'en frotte les mains. Il peut maintenant proclamer l'écrasement de la rébellion et accepter le plan de l'envoyé spécial de la communauté internationale, Kofi Annan.

L'ancien secrétaire général de l'ONU a en effet annoncé lundi que le gouvernement syrien mettra en oeuvre le 10 avril plusieurs des six points de son plan, dont le retrait de ses troupes et de ses armes lourdes des villes et l'instauration d'un cessez-le-feu. En retour, l'opposition cessera ses opérations dans les 48 heures suivant la fin des hostilités. Si tout va pour le mieux, une mission d'observation de l'ONU composée de 250 militaires sera alors déployée sur le terrain et supervisera l'accord.

Qu'apportera le plan Annan? Il fera cesser le bain de sang, ce qui n'est pas rien. Il permettra aussi l'ouverture d'un dialogue entre le régime et l'opposition. Toutefois, compte tenu du rapport de force sur le terrain, l'opposition peut craindre de se retrouver perdante. Elle peut même se diviser entre partisans de l'accommodement et ceux qui sont en faveur du changement de régime et perdre une partie de ses appuis à l'étranger. Après tout, le clan Assad règne sur la Syrie depuis 1970 et en a vu d'autres.

Se pourrait-il que le président Bachar al-Assad ait gagné? Dans un sens, oui, car le plan Annan va créer une nouvelle donne à son avantage. Ce qui ne veut pas dire que la crise syrienne soit réglée. Elle peut même durer longtemps.

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