Analyser l'élection présidentielle en France comme une victoire de la gauche contre la droite, ou des socialistes contre les libéraux, reviendrait à n'y rien comprendre.

Il convient plutôt de renoncer aux étiquetages anciens pour prendre la mesure d'un nouveau paysage politique en France et, plus généralement, dans les sociétés occidentales en panne de développement économique et de perspectives sociales.

Ainsi que l'a révélé le premier tour de ces élections, le 22 avril, un tiers des Français réfutent toute approche rationnelle de cette panne économique, voire intellectuelle, qui affecte nos démocraties.

Le second tour, par suite de la disparition de leurs candidats, a occulté la vague dite populiste du premier tour, mais de manière provisoire: les élections parlementaires en juin la feront resurgir.

Le nouveau président, François Hollande, ne pourra donc pas ignorer que confrontée au chômage, au risque de faillite de l'État, à une Europe en désarroi, à la concurrence mondiale, l'alliance objective des communistes, trotskistes, nationalistes et écologistes profonds, chacun dans sa mythologie, exalte des souvenirs de Révolution, d'Empire ou de degré zéro de la civilisation.

Si bien que ce qui opposait Sarkozy à Hollande était en définitive moins important que ce qui distingue d'un côté Sarkozy plus Hollande et de l'autre, le camp des refuzniks de la réalité.

Hollande a, certes, emporté le référendum anti-Sarkozy, ce que fut le second tour, bien plus qu'un choix entre deux programmes ou deux idéologies.

Le socialisme de Hollande est avant tout un esprit de clan qui le conduira à gouverner avec son cercle, à recourir aux codes de ce clan, mais en quoi mènera-t-il le pays différemment de ce que Sarkozy l'aurait fait?

Entre le socialisme affecté de Hollande et le libéralisme de façade de Nicolas Sarkozy, il n'y avait pas l'épaisseur d'un cheveu: l'un et l'autre chevauchaient une voie moyenne, très française, qui glorifie l'État, tolère l'esprit d'entreprise, mais se méfie du marché libre et abhorre la concurrence.

Les populistes n'étaient donc pas totalement infondés à voir en Hollande et Sarkozy, blanc bonnet et bonnet blanc. Voici donc blanc bonnet, à moins que ce ne soit bonnet blanc, président et fort mal préparé à affronter ce que nous appellerons le troisième tour, la notation que les marchés financiers vont infliger à la France. La France confrontée à trois défis majeurs qui ont été esquivés pendant la campagne: l'excès de la dépense publique rendra impossible, d'ici un an au mieux, le financement de la dette publique; le vieillissement de la population conduira notre système de solidarité à la faillite; les coûts de production sont les plus élevés en Europe.

François Hollande, s'il reste rationnel, devra donc accepter une intégration financière de l'Europe avec création d'un ministère des Finances européen, réduire la dimension de l'État (coupant dans la défense et l'éducation), tempérer la solidarité par plus de responsabilité individuelle, et contenir les revendications salariales.

Sarkozy, contre la rue, n'y serait jamais parvenu; Hollande, parce que de «gauche», le pourrait. De Gaulle avait bien liquidé l'Empire, Mitterrand anéanti ses alliés communistes: Hollande, en père-la - rigueur, démontrerait que les hommes d'État ne sont grands qu'à contre-emploi.

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