Depuis 1960, la politique québécoise a été programmée en très grande partie autour du projet souverainiste, soit pour le promouvoir, soit pour s'y opposer. Parmi tous les autres, c'est aussi le thème qui a suscité le plus de passion.

Divers indices suggèrent que ce scénario se défait présentement. Il renaîtra sûrement, mais l'échéance est plus qu'incertaine. Entre-temps, comment reconfigurer l'arène politique?

Le vide canadien

En termes de visions qui pourraient séduire les Québécois, c'est le vide du côté fédéral - un vide incarné par les lieutenants québécois de M. Harper. Le facteur principal qui joue présentement en faveur de l'option canadienne, c'est le poids du statu quo et le coefficient de sécurité qu'on lui associe.

Cette situation est inédite. Lester B. Pearson caressait l'idée d'un État binational. Pierre Trudeau promettait une émancipation des Canadiens français à l'échelle canadienne. Il les invitait à édifier un pays où collaboreraient les héritiers de deux grandes cultures. Brian Mulroney prônait une réconciliation qui respecterait la personnalité du Québec. Depuis, l'horizon fédéral n'a cessé de s'appauvrir. Le Québec est désormais tenu pour acquis; on table sur son inertie.

Cette situation est inédite aussi en ce que jamais le Québec et le Canada n'ont été aussi éloignés l'un de l'autre, comme en témoigne la sous-représentation québécoise dans le gouvernement Harper.

L'incertitude québécoise

Du côté québécois, l'horizon s'est assombri. Ceux et celles qui rêvaient depuis longtemps de souveraineté auront du mal à repousser la tentation du désenchantement, de la morosité - à moins que la génération des baby-boomers, qui était le moteur principal du mouvement, retrouve l'enthousiasme de ses vingt ans... Pour ce qui est des jeunes, à en croire les sondages, une forme de décrochage serait en cours.

Québec solidaire, l'autre parti souverainiste, a certes un avenir grâce à sa base militante, à ses priorités sociales et à la popularité de Françoise David. L'avenir du parti est toutefois plombé par des positions radicales qui le vouent à demeurer une force d'opposition secondaire. Il reste donc le Parti libéral et son sosie qui le supplantera peut-être un jour, la Coalition avenir Québec.

Ici, les perspectives sont plus claires, les priorités allant à l'économie et à la gestion rigoureuse des affaires. Ce sont des objectifs louables et nécessaires, mais on peut craindre qu'ils éclipsent le reste. Le reste, c'est-à-dire: l'avenir des Québécois comme peuple, comme culture et comme destin dans un monde de plus en plus complexe où les petits États-nations semblent destinés à la dépendance et à l'impuissance.

Deux voies de sortie

Pour les quelques années à venir, le gouvernement libéral actuel pourrait représenter une formule prometteuse s'il consentait à retrouver l'élan et l'ouverture qui ont déjà fait partie de sa tradition, en embrassant une vision large de notre société où l'économique s'accorderait avec le social et le culturel. C'est ce qu'on a vu à l'époque de Jean Lesage et même de Robert Bourassa, le virtuose de l'ambiguïté. On connaît la suite: un parti qui a toujours su jusqu'où ne pas aller trop loin dans la promotion des grands intérêts du Québec, en particulier du Québec francophone.

Le Parti québécois incarne la seconde option. Mais il lui incombe d'abord de s'extirper des confusions et des égarements où il s'est laissé glisser récemment, afin de se redéfinir sous la direction d'un nouveau chef.

En quête d'un destin

En 1995, le Québec aurait pu apporter une conclusion cohérente à une longue marche collective en s'inscrivant pleinement dans l'histoire des États-nations. Il ne l'a pas fait. Ce choix, on le voit bien maintenant, le ramène aux incertitudes de la table à dessin.

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