À son arrivée au Québec, l'immigrant s'engage dans un grand processus identitaire au cours duquel s'intègreront sa culture d'origine et la culture canadienne-française. Celui-ci sera alors amené à réorganiser son identité de manière à pouvoir intégrer avec cohérence les nouvelles façons de faire de son pays d'accueil.

Nombreux auteurs s'entendent sur l'importance de faire place à la culture de chaque individu. En effet, celle-ci serait associée à un espace transitionnel parfois essentiel, c'est-à-dire qu'elle permet le maintien d'un certain sentiment de continuité pour les individus qui la composent.

Ce processus s'étend sur plusieurs générations, considérant que chaque nouvelle génération est appelée à restructurer son identité de manière à gérer le déséquilibre qui puisse exister. Étant souvent plus immergés dans la culture du pays d'accueil que leurs parents, les jeunes feront face à d'autres défis identitaires. Conséquemment, il est possible que la famille soit confrontée à un «conflit culturel et générationnel», ayant pour risque d'engendrer des divergences entre l'adolescent et ses parents.

Ainsi, les jeunes de deuxième génération sont souvent considérés comme «déchirés entre deux cultures». L'adolescent vit une dualité entre l'engagement moral qu'il a envers la culture d'origine, transmise par ses parents, et un désir d'exploration et d'expérimentation qui caractérise le stade de la recherche de soi à l'adolescence.

Face aux dilemmes, ce dernier risque alors de vivre des sentiments dévastateurs tels que la culpabilité, la déprime ou même une dépression. Dans de tels cas, en l'absence du soutien nécessaire, il aura tendance à résoudre la crise de façon inappropriée; soit en rejetant complètement sa culture d'origine, soit en rejetant complètement la culture d'accueil.

Lacunes en formation

Actuellement, des études démontrent que des lacunes subsistent au niveau des formations interculturelles. Un manque, parfois une absence, de connaissance sur les habiletés d'interventions interculturelles ainsi qu'une faible accessibilité à des programmes ciblés rendent la réponse aux besoins ardue.

Lors de mes interventions dans une école secondaire multiethnique, la mise en place d'un projet permettant d'aider les jeunes en crise identitaire à trouver un équilibre entre les valeurs de la société d'accueil et celles de leur milieu familial avait connu un vif succès. Les nombreux témoignages d'adolescentes rencontrées ont reflété l'importance de ces interventions.

Ainsi, de jeunes filles se culpabilisant à cause de leurs expériences et ayant parfois des pensées suicidaires ont pu, notamment, apprendre à relativiser leur vécu et à mieux s'accepter. Celles qui craignaient par-dessus tout le jugement de leurs communautés respectives m'ont confié trouver rassurant qu'une intervenante de la même culture, ou d'une culture similaire, leur apporte écoute et soutien.

Actuellement, cette histoire de charte ne facilite en rien la démarche d'intégration de nos jeunes. En effet, compte tenu des nombreux dérapages sur les réseaux sociaux, le risque que ces derniers perçoivent un plus haut taux de discrimination de la part de la société d'accueil peut affecter, à la baisse, leur volonté d'intégration. D'ailleurs, un adolescent ayant grandi au Québec me confiait dernièrement qu'il ne voyait plus d'avenir pour lui ici. Il m'expliqua que «depuis que cette charte a été mise en place, les gens ne tolèrent pratiquement plus les gens de certaines religions et vu qu'on ne nous tolère plus, je ne vois plus ma place ici».

Lorsque j'entends Louise Mailloux, membre du conseil d'administration des Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre, accuser les intervenantes musulmanes de vouloir infiltrer le système pour propager l'islamisation, je ne peux qu'être exaspérée par ses propos. Il est impératif que cette propagande de peur cesse, car en plus d'être malveillante, elle menace les interventions existantes qui permettent à la génération actuelle et aux générations futures de mieux s'intégrer.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion