Lors d'un cours de psychologie à l'université, j'ai été confrontée à une séance de dénigrement contre le port du hijab par une professeure qui se définissait comme une «féministe extrémiste». Devant 100 paires d'yeux qui s'étaient retournées vers moi avec malaise, je ne savais quoi répondre tant les propos discriminatoires m'avaient abasourdie.

En exprimant aussi farouchement son opinion, la professeure, qui ne portait pourtant aucun symbole religieux, ne faisait preuve d'aucune neutralité. La charte de la laïcité proposée par le gouvernement tient compte de certains symboles, mais omet toutes les autres manières, qu'elles soient affichées ou non, de refléter des croyances politiques ou religieuses. 

L'absence du port de symboles n'est aucunement garante d'une neutralité absolue. En fait, la neutralité de l'État n'a pas la forme d'un costume que l'on revêtit. Elle se traduit, entre autres, par l'engagement de chacun de s'abstenir d'influencer consciemment les autres vers ses propres croyances.

À plusieurs reprises dans des débats autour de moi, on a mentionné qu'un enfant exposé à des symboles religieux subirait une forme d'influence ou d'encouragement à l'adhésion à une religion, bref, à un prosélytisme camouflé. Mais les enfants perçoivent-ils réellement l'environnement selon la vision des adultes?

Pour expérimenter la chose, j'ai retiré mon hijab durant une intervention auprès d'élèves du troisième cycle du primaire. Aucune réaction. Ni questions, ni surprise. Ils étaient là afin de trouver une solution à leurs conflits et ils se concentraient sur mon intervention. Ce hijab leur était complètement secondaire.

Un autre exemple s'est déroulé dans un foyer où l'intervenante demanda à un enfant de dix ans de quelle couleur étaient mes cheveux. Ce dernier, n'ayant jamais vu mes cheveux, lui répondit tout bonnement: «ils sont blonds».

Mes observations de psychoéducatrice me font dire que devant la différence, l'enfant ne fait que le constat des richesses et diversités culturelles qui nous entourent. Il pose des questions motivées par la curiosité, sans plus. Au même titre qu'il se demanderait pourquoi certains portent des lunettes et d'autres pas.

Je ne prétends pas que les jeunes ne voient pas la différence, mais je dirais qu'ils ne s'en préoccupent pas de la même façon que les adultes. Le fait qu'ils grandissent dans un monde où la diversité est présente au quotidien fait en sorte que pour eux, il est tout simplement naturel d'être exposé à la différence.

Les enfants sont de petits êtres en voie de développement sur qui les parents projettent souvent leurs valeurs et visions d'adultes. Tel que l'a dit le neuropsychiatre, Boris Cyrulnik: «La géographie des croyances est une géographie de l'amour parental. Un enfant croit au même dieu que ses parents. Ainsi, même exposé à la diversité, l'enfant a bien plus de chance d'adhérer à l'éducation de ses parents».

Nous, adultes, avons tendance à complexifier ce petit monde. J'ai déjà fait la triste et terrible rencontre d'un père Noël de peau foncée qu'on avait maquillé en blanc «pour que les enfants ne soient pas trop déstabilisés du changement des modèles standards». Troublant, dites-vous?

Selon moi, dans les milieux polychromes, ce que les jeunes retiendront réellement, c'est l'éducation et l'ouverture à la différence.

Parce que comme le dit Francis Cabrel dans sa chanson Des hommes pareils: «Plus ou moins nus sous le soleil/Blancs, noirs, rouges, jaunes, créoles/Qu'est-ce qu'on vous apprend à l'école/S'il y manque l'essentiel?/Semblables jusqu'au moindre atome/Vous, vous êtes, et nous, nous sommes, des hommes pareils».

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