Dès la sortie du rapport D'Amours sur l'avenir des retraites, la première ministre et la ministre responsable se sont commises quant à la tenue d'une commission parlementaire à l'automne précédée d'une tournée régionale du comité d'experts. Ces décisions s'imposaient et n'ont rien d'une opération de pelletage, comme le prétend l'opposition.

La première qualité du rapport, c'est la justesse et la gravité du diagnostic qu'il pose. Ces constats sont essentiels pour convaincre les parties qu'un solide virage s'impose pour pérenniser les régimes existants, élargir la couverture et accroître la sécurité financière de tous. Ça ne se fera pas si les travailleurs comme les employeurs, les jeunes comme les moins jeunes, ne voient pas l'urgence d'agir. Ça ne se fera pas si les partis politiques donnent dans la partisanerie sur des enjeux qui touchent l'intérêt général et le long terme. La proximité des prochaines élections n'incite pas au courage. Pierre angulaire du rapport, la mutualisation des risques ne fait pas non plus partie de l'ère du temps.

Il faudra sans cesse marteler la gravité de la situation. Les régimes publics (RRQ et dispositif fédéral) sont nettement insuffisants. Ils remplacent 81% du salaire des plus pauvres, contre seulement 47% dès que le salaire moyen est atteint! La moitié des travailleurs n'ont aucun régime collectif d'entreprise. L'épargne personnelle ne permet pas de garantir une retraite décente. Les régimes à prestations déterminées, qui sont les seuls à offrir une rente garantie, ne couvrent que 35% de la main-d'oeuvre.

Quand elle existe, cette promesse reste bien fragile puisque 72% de ces régimes ont un taux de solvabilité inférieur à 80%. Avec 41 milliards$ de déficit, ces régimes fondent comme neige au soleil. Les jeunes en font particulièrement les frais. Les clauses orphelins, interdites en matière de salaire, reviennent par la bande au niveau des régimes de retraite!

Le bateau coule de toutes parts. Plutôt que de tenter de niveler par le bas, le rapport D'Amours a le mérite de défendre les régimes à prestations déterminées, tout en leur imposant l'obligation de négocier pour régler leurs problèmes de solvabilité. C'est la voie à suivre. L'encadrement règlementaire de ces régimes devra faire preuve de souplesse pour soutenir les solutions créatives et équitables. Pour cela, un comité réunissant employeurs et syndicats serait d'une grande utilité.

La libre négociation a toute sa place pour régler les problèmes. Qu'au terme d'un délai de trois ans, la loi impose un dénouement n'est pas dépourvu de sens, si la solution imposée ne constitue pas un incitatif à ne pas négocier de bonne foi. C'est ce que les syndicats devront tenter de démontrer dans leur défense de la libre négociation.

Le rapport D'Amours propose d'élargir la couverture publique via un régime contributif qui mutualise les risques de longévité pour les 75 ans et plus. Il s'agit d'une solution astucieuse et bienvenue. De portée universelle, elle minimise le risque d'accroître les iniquités intergénérationnelles et d'inciter à des départs trop hâtifs, sans pour autant augmenter l'âge normal de retraite. Le hic avec cette approche, c'est que les petits salariés devront payer pour une protection que leur offre déjà le régime fédéral de supplément de revenu. En toute équité, il faudrait obtenir du fédéral une compensation pour cette double imposition.

Malgré son approche novatrice, le rapport D'Amours offre peu de solutions pour une retraite adéquate jusqu'à 75 ans. En ce sens, le feu vert qu'il donne à la mise en place du régime volontaire, annoncé par les libéraux, devrait être revu pour permettre de trouver des solutions plus équitables et adéquates.

Un vrai débat de société s'annonce, prenons-le à bras-le-corps. L'inertie serait bien plus coûteuse que les correctifs proposés.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion