En fin de semaine dernière, Justin Trudeau accédait, sans surprise, à la direction du Parti libéral du Canada. Avec 80% des votes, il règne maintenant sans partage sur le PLC. Cette élection met un terme à deux décennies de luttes intestines qui ont fini par reléguer ce parti historiquement dominant au rang de deuxième opposition.

Si le résultat de cette élection ne faisait pas de doute, la course à la direction a néanmoins suscité de l'intérêt et été abondamment couverte. Celui que plusieurs se plaisaient à définir comme un candidat gaffeur et sans idées a attiré des milliers de sympathisants et propulsé le PLC en tête des intentions de vote au sortir d'un couronnement, qui stimule l'imaginaire populaire et crée un momentum certain.

Certes, rien n'est joué. De nombreux défis attendent Justin Trudeau. Mais ses opposants auraient intérêt à ne pas crier au mirage et au feu de paille et à tout miser sur la vacuité du discours du nouveau chef.

M. Trudeau a surfé sur des idées assez vagues durant cette campagne. Néanmoins, deux éléments peuvent changer le paysage politique canadien. Le charisme et la popularité du chef auprès d'un électorat assez loin du politique et qui ne vote pas toujours, peuvent faire une différence. Il y a aussi cet appel aux Québécois à investir la politique canadienne et à bâtir le pays, qui peut atténuer la méfiance à l'égard du PLC et générer des résultats inattendus.

Il n'y a rien de plus difficile en campagne électorale que tenter de contrer un élan de coeur de l'électorat, comme on a pu le voir aux dernières élections avec Jack Layton. Le risque de connaître un nouvel effet de vague est d'autant plus présent, que la volonté de se débarrasser de Stephen Harper, pourrait convaincre certains fédéralistes de mettre en veilleuse leurs différences pour se ranger derrière un favori.

A priori, l'invitation lancée aux Québécois de réinvestir la scène fédérale pour bâtir le Canada semble tomber à plat. Les Québécois ont longtemps été très ambigus face au Québec et au Canada, d'où la boutade d'Yvon Deschamps sur un Québec fort dans un Canada uni! Cette situation a radicalement changé. Maintenant, une forte majorité se définit comme étant Québécois d'abord.

Ce qui peut séduire par ailleurs, c'est l'apparent abandon dans le camp libéral du discours dur d'un Jean Chrétien stigmatisant les «séparatistes». Ce qui peut séduire aussi, c'est l'appel à un changement de garde et à la mise au rancart des vieilles chicanes au profit d'un discours positif.

Sur la question nationale, Justin Trudeau est loin d'être un homme sans idée. Il est résolument fédéraliste. Il choisira toujours le Canada même s'il devait, pour ce faire, bafouer les intérêts du Québec, comme il semble tenté de le faire en intervenant davantage en éducation. Il ne fait pas mystère de ses positions sur la loi sur la clarté et sur l'exclusion du Québec de la constitution canadienne. C'est facile aujourd'hui de déclarer qu'il peut vivre avec la loi 101, alors qu'il sait que la Charte canadienne des droits a fait son oeuvre!

Les souverainistes devront néanmoins tenir compte de ce changement de ton, moins agressif, plus rassembleur. Les Québécois sont des bâtisseurs dans l'âme. Ils se méfient des comportements d'assiégés. Ils ne sont pas en guerre contre le Canada. Ils veulent être reconnus comme nation et bâtir un pays, le leur avant celui du voisin. Ils veulent entretenir de bonnes relations avec le reste du Canada, assurer leur développement en fonction de leurs valeurs, être ouverts sur le monde et faire entendre leur voix dans le concert des nations. L'indépendance viendra de cette volonté sereine d'affirmation, pas d'autre chose!

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