La décision de mettre en place un Bureau de la liberté de religion au sein du ministère des Affaires étrangères du Canada ne doit pas être banalisée.

Elle s'inscrit dans une longue liste de gestes visant à écraser les valeurs d'ouverture, de tolérance et la culture de droits et libertés, jusqu'alors dominantes au Canada, pour y substituer les valeurs portées par cette nouvelle droite que représente si bien Stephen Harper.

Pire encore, M. Harper vise à transformer l'État pour en faire un organe de ce nouveau conservatisme.

Le premier ministre a de la suite dans les idées. Il sait où il s'en va. Il est convaincu que certains droits doivent primer sur d'autres: sécurité vs liberté, religion vs droit à l'égalité pour les femmes et les homosexuels. En plus de faire preuve d'une imagination sans borne pour contrôler le droit à l'information et la liberté d'expression!

Surtout, le premier ministre a l'habileté d'abolir les uns après les autres les éléments qui l'encombrent, en suscitant la critique, certes, mais sans jamais soulever de tsunami.

Ainsi, on a vu disparaître Droits et démocratie, le formulaire long du recensement, on a vu les compressions dans l'aide financière aux groupes de défense des droits.

Parallèlement, on a vu apparaître des pratiques menaçantes pour la démocratie: recours aux projets de loi mammouth, tentatives de prorogation pour museler le Parlement... et la création, cette fois-ci, d'un Bureau de la liberté de religion qui, dans les faits, hiérarchise les droits et soulève des craintes quant à la nécessaire séparation entre l'Église et l'État.

Les termes employés par Stephen Harper lors de l'annonce de ce Bureau parlent d'eux-mêmes. Il définit la liberté de religion comme étant le fondement de toutes les libertés! Il affirme vouloir faire de la liberté de religion un élément prioritaire de la politique étrangère du Canada.

Certes, il existe à travers le monde beaucoup d'exemples où les libertés de conscience et de religion sont outrancièrement violées. Toutefois, ces atteintes ne sont ni plus nombreuses, ni plus ni moins graves que celles qui touchent les femmes, les minorités raciales ou encore les homosexuels. Pourquoi établir une hiérarchie devant des horreurs qui sont toutes à combattre? Pourquoi enfin cette hiérarchisation des droits ne vaudrait-elle qu'en politique étrangère et qu'à l'extérieur du Canada?

Le choix de confier la direction de ce Bureau à Andrew Bennett mérite aussi d'être remis en question. Sa longue feuille de route en tant que leader chrétien fait-elle de lui le meilleur ambassadeur pour défendre la liberté de croyance ou le pluralisme religieux qui sont au coeur de la mission de ce Bureau?

De surcroît, M. Bennett aurait déjà signé des textes pour réclamer plus d'espace pour l'expression religieuse dans les institutions politiques. Cette question n'est pas insignifiante au Canada alors que les droits fondamentaux s'entrechoquent souvent dans une société de moins en moins homogène. Elle a aussi toute sa pertinence à l'échelle internationale à l'heure où la montée des intégrismes fait des ravages.

La création de ce Bureau a soulevé des critiques trop vite rangées dans la filière 13.

On semble croire qu'il s'agit d'un simple dada conservateur agaçant, mais sans plus. On tente de se sécuriser à peu de frais en se disant qu'avec un budget de 5 millions, les dégâts seront limités.

Drôle d'appréciation quand on se rappelle qu'avec un budget deux fois moindre, le Directeur parlementaire du budget joue un rôle plus utile, au grand dam des conservateurs d'ailleurs!

Surtout, il faudrait se souvenir que les départs des Reagan et Thatcher n'ont pas suffi à balayer tout leur héritage. Stephen Harper aussi est de cette trempe de leader qui travaille méthodiquement à la pérennité du conservatisme.

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