Dans moins d'une semaine s'ouvrira le Sommet sur l'enseignement supérieur, qui devait nous permettre de reprendre notre envol et de tourner la page sur la pire crise sociale qui ait secoué le Québec au cours des dernières décennies.

Rien n'est moins sûr.

Le printemps dernier, on s'est beaucoup déchiré sur la facture qui devait revenir aux étudiants et sur l'ampleur du sous-financement de nos universités. Vivement, il faut nous ressaisir, délaisser les débats stériles sur les diverses formules de financement et tenter de bâtir le consensus autour d'une vision de l'avenir de nos universités et d'un projet rassembleur où tous les Québécois trouvent leur compte.

Le Québec moderne doit beaucoup au virage éducation des années 60 et 70. Non seulement les filles et les fils d'origine modeste ont eu accès aux cégeps et aux universités, mais nos régions se sont consolidées et dynamisées, des pôles culturels et des créneaux de développement sont apparus sur l'ensemble du territoire. Comme société, nous avons opéré un rattrapage social et économique spectaculaire, qui a amélioré la qualité et le niveau de vie des Québécois.

Malgré ce bond sans précédent, nous accusons toujours du retard par rapport au pourcentage de diplômés universitaires comparativement au reste du Canada et aux pays les plus performants de l'OCDE, à l'heure où les emplois de demain vont exiger de plus en plus une éducation supérieure.

Combler cette lacune peut constituer un objectif de société intéressant et mobilisateur. Se distinguer par le savoir tout en contribuant à plus de mobilité sociale et à une meilleure égalité des chances, voilà un avenir à la hauteur de nos valeurs et de nos ambitions.

Certes, les coûts liés à cet investissement devront davantage être assumés collectivement si on veut réussir. Sans être le seul facteur qui freine l'accessibilité, les coûts privés d'éducation y contribuent de façon non négligeable. Qu'on se rappelle les années 90, où les hausses de frais universitaires du gouvernement Bourassa ont fait augmenter de 30% à 50% les taux de décrochage, selon qu'on soit au baccalauréat ou au doctorat. Les nombreux étudiants dont les parents n'ont jamais fréquenté l'université sont particulièrement vulnérables, comme en témoigne le profil socioéconomique des étudiants qui ont abandonné ou ne sont pas venus à l'université lors des hausses.

Il n'y a rien d'inéquitable à faire davantage appel à l'impôt général, comme en santé, à la condition que notre fiscalité soit progressive et équitable entre les particuliers et les entreprises. L'OCDE nous rappelle qu'investir en éducation supérieure est rentable pour une société, qui recouvre en moyenne quatre fois son investissement pour chaque diplômé de plus!

Nos débats du printemps dernier sur «la juste part» ont quelque chose de surréaliste, d'autant que la logique de l'utilisateur-payeur transforme l'université en une usine à diplômes au service du client, plutôt qu'en un pôle de rayonnement intellectuel au bénéfice de toute la société.

Je ne pose pas en absolu la question de la gratuité scolaire. Je maintiens simplement qu'en cinq ans, les droits de scolarité ont augmenté de 31%, sans compter les frais afférents. Voilà qui milite pour une pause. Une pause qui pourrait être mise à profit pour documenter quels sont les investissements les plus porteurs pour soutenir un projet collectif de démocratisation. Pour ce faire, il faut quitter le terrain miné des formules instrumentales derrière lesquelles chacun se terre, pour enfin laisser émerger une vision de l'éducation.

Si l'on y arrivait, il faudrait saluer la mobilisation du printemps dernier et le goût de bouger qui se manifeste dans la société québécoise pour avoir ouvert un vrai débat sur l'éducation supérieure, débat qui n'avait pas eu lieu depuis le rapport Parent.

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