Un copain à moi, qui résiste depuis quelques années aux salves de sa blonde pour se faire couper, m'a demandé des conseils. Comme pour la grande majorité des gars, le simple fait de parler de vasectomie faisait passer son visage à une teinte qui s'approche de la couleur saumon.

Un jour, alors qu'il se demandait pourquoi cette angoisse était si profonde chez lui, j'ai essayé de le raisonner : « Je pense, François, que l'idée de se faire couper le canal famille, comme on entend souvent dire au Québec, éveille chez bien des hommes une peur très primitive. Peut-être même une expression proche de cette angoisse de la castration dont parlait Freud. Mais la meilleure explication que j'ai entendue sur le sujet est celle de Caroline, ma blonde. Elle trouve que la vasectomie nous inquiète parce qu'elle fait baisser la cote d'un homme auprès des jeunes femmes.

« C'est pour ça qu'un peu comme le paon s'accroche à ses plumes chatoyantes pendant les parades nuptiales, la plupart des gars vont à reculons chez l'urologue.

« Même quand les enfants grandissent et que la décision de ne plus en avoir est bien partagée, il arrive que le subconscient masculin rejette cette stérilisation qui lui fait perdre du lustre auprès des femmes qui veulent se reproduire. Un homme vasectomisé est un peu comme une voiture d'occasion bien entretenue, mais dont une « scratch su'l hood » abaisse la valeur marchande.

« D'ailleurs, les urologues vous diront que lorsqu'un homme qui s'est déjà fait vasectomiser se présente pour essayer de se faire recanaliser et rouvrir le chemin à ses spermatozoïdes, c'est souvent parce qu'il a rencontré une jeune femme qui lui exige un petit tour chez le débosseleur avant de lui redonner sa pleine valeur.

« Les véritables victimes de la vasectomie, ce sont les spermatozoïdes, qui ont la surprise de frapper un noeud pendant leur voyage.

« Cet aboutissement inattendu dans un cul-de-sac me rappelle la fermeture inattendue d'un pont. Quand, sans avertir, les policiers ferment un pont, pendant que les automobilistes qui doivent rebrousser chemin sacrent, ceux qui sont déjà de l'autre côté célèbrent leur coup de chance.

« C'est le même scénario qui se produit avec les spermatozoïdes après une vasectomie, François. Malgré l'opération, les soldats qui étaient déjà en amont de la ligature, bien à l'abri du danger, peuvent encore espérer aller à la chasse à l'ovule et il faut les éliminer entièrement avant d'être stérile.

« Pour ce faire, François, les urologues recommanderont une quarantaine d'éjaculations dans les trois mois suivant la vasectomie. Cette exigence étant très déstabilisante pour madame, tu peux alors profiter de la situation pour lui demander de t'aider à assurer de main de maître le suivi médical. Mais si elle refuse de s'impliquer, la menacer de te faire soigner dans une clinique privée n'est pas une bonne idée. Cela pourrait entraîner de graves effets secondaires à ton mariage.

« Tout ça pour dire que tu devrais suivre les conseils de ta blonde, François ! Se faire couper les canaux déférents, c'est assez anodin comparé à 20 ans de prise d'anovulants. Une quinzaine d'années à se protéger de tes munitions contre 15 minutes sur la table d'opération, telle sera ta maigre part dans la contraception.

« Comme disait l'autre, ça fait des décennies que les femmes se protègent contre les impacts de nos balles. Le temps est venu de faire notre part et d'accepter de vider les chargeurs. Envoye, mon François, déguédine ! »

- À compter d'aujourd'hui, Boucar Diouf anime La nature selon Boucar, de 11h à midi sur les ondes d'ICI Radio-Canada Première.

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