Je voudrais vous parler du cas Sam Hamad, mais mon coeur s'oppose à cette volonté parce que mon vieux papa de 90 ans qui s'appelle Hamad risque encore de croire que je déballe des histoires de famille dans les pages du journal.

Alors, pour brouiller les pistes, je vais vous raconter une histoire d'enfant chocolat au lait et de missionnaire blanc dans un village africain. En passant, chocolat au lait, c'est la dénomination suggérée par mon fils pour éviter d'utiliser le mot mulâtre qui est une invention des esclavagistes espagnols et portugais référant à la mule. Mon fils dit que sa maman est un chocolat blanc, son papa un chocolat noir et lui un chocolat au lait.

Un jour, une femme noire d'un village africain avait accouché d'un enfant chocolat au lait. Devant la surprise, les villageois avaient porté leurs soupçons sur le seul missionnaire blanc qui y vivait. Lorsque, appelé à témoigner, le jésuite a parlé de pétard mouillé et a tenté d'expliquer la chose par ces voies du seigneur qui étaient impénétrables, le chef du village lui a demandé si celles de la femme qui venait d'accoucher l'étaient tout autant. Comme il avait plaidé l'innocence, même si la femme jurait avoir couché avec lui, la présomption d'innocence était de mise. Surtout, il fallait rabrouer la population qui voulait, en guise de punition, que le jésuite innocenté soit blanchi dans une grosse marmite. Déjà qu'il était dans l'eau chaude...

Comme cette histoire africaine n'est pas très drôle, je vais vous en raconter une deuxième du même genre.

Le rire, disait l'autre, c'est comme les essuie-glaces : ça n'arrête pas la pluie, mais ça permet d'avancer.

Et en cette semaine d'averses de nouvelles déprimantes dont l'affaire Sam Hamad, le scandale planétaire des Panama Papers, ces hôpitaux du Québec qui tombent en ruine, le retour de la neige et les équipes de hockey du pays qui n'ont pas encore compris que quitter la LNH et former une ligue canadienne serait la seule façon de s'assurer de faire les séries et de regagner une coupe, on a besoin d'essuie-glaces.

Alors que je séjournais en France, j'ai entendu à la radio une histoire du même genre qui m'avait bien fait rigoler. Un jour, à l'époque de la royauté, relatait l'historien invité, la femme d'un aristocrate français accouche d'un enfant chocolat au lait. Comme le couple est blanc, la descendance chocolat au lait pose un problème. Complètement déboussolé, le monsieur part voir un savant de l'époque pour élucider le mystère.

Après avoir interrogé le gentilhomme sur ses moeurs sexuelles, le charlatan lui tricote une théorie un brin tordue sur l'origine de ce bronzage inattendu de sa descendance. « Puisque vous fréquentez de temps en temps les maisons closes, dit-il au bourgeois, vous avez probablement couché avec une prostituée juste après le passage d'un homme noir. Vous êtes alors revenu à la maison avec un des spermatozoïdes du Black collé à votre pénis. Quand, quelques heures plus tard, vous vous êtes retrouvé au lit avec votre propre femme, ce sprinter africain s'est réveillé et a coiffé vos soldats testiculaires au fil d'arrivée. »

Évidemment, comme biologiste, je ne pouvais que m'incliner devant cette gymnastique intellectuelle, bien rodée, pour éviter de dire à ce noble monsieur que son domestique bronzé n'avait pas compris qu'il y avait des restrictions quand on l'a engagé comme homme à tout faire.

Heureusement, le temps qui passe est souvent l'ennemi véritable de tous les girafeurs (mot qui désigne, selon les particularités lexicales de notre parlure francophone de brousse africaine, un élève girafe quand il allonge son cou pour épier la copie du voisin). Heureusement, le plus espiègle des girafeurs finit par avoir une tache à son dossier, car comme dit souvent ma vieille maman, le mensonge peut faire deux semaines de route, la vérité finit par le rattraper en une journée.

Merci à tous ces anonymes au service de la justice sociale qui combattent le mensonge systémique en transmettant des informations aux journalistes d'enquête. Vous êtes la lueur qui éclaire l'espoir du peu de démocratie qui nous reste. Grâce à vous, les intègres d'hier se désintègrent aujourd'hui.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion