Dans les particularités lexicales du français parlé en Afrique de l'Ouest, on utilise le poulet bicyclette. Mais ne voyez pas là un véloce volatile à vélo et encore moins un coq sportif gonflé aux hormones qui gagne plusieurs Tours de France.

Le poulet bicyclette, c'est plutôt un animal qui pédale un bon coup dans les villages d'Afrique de l'Ouest pour éviter que ses pattes restent longtemps en contact avec le sable chaud. Il soulève donc en alternance une patte après l'autre à la manière d'un cycliste sur son vélo !

Quand j'étais jeune, il fallait mobiliser une équipe d'enfants pour attraper un de ces coursiers à plumes. C'est pour ça qu'un jour, las de se taper un marathon avant d'espérer mâchouiller cette volaille résistante à la dentition humaine, mon frère avait décidé d'y aller d'une démonstration mathématique pour la bannir de notre alimentation. Étant donné, avait-il dit à ma mère, que l'on dépense plus de calories à attraper un poulet qu'il ne nous en procure, même si on l'avalait avec ses plumes, je considère que nous sommes devant ce que les biochimistes appellent des calories vides.

Aujourd'hui, l'ouverture des frontières a amené dans ma savane la dodue poule des pays du Nord, que nous avons baptisée le poulet Ben Johnson. Un nom qui rappelle la grosseur des muscles du sprinter canadien lorsqu'il a été testé positif aux Jeux de Séoul en 1988. C'est un poulet qui est plus gros, plus lourd, mais dont la performance est tout aussi suspecte que ne l'étaient celles de Ben Johnson et de toutes ces nageuses d'Allemagne de l'Est qui, dans les années 90, étaient si dopées à la testostérone qu'elles se rasaient probablement la barbe avant de venir à la piscine.

Si je mélange ces histoires de poulet de ma jeunesse avec le dopage, c'est parce que je m'ennuie de l'époque où les athlètes olympiques étaient encore des sources d'inspiration pour tous les jeunes, et les rencontres sportives, des occasions de fraternité planétaire. J'éprouve encore des frissons en voyant les photos de l'ancien berger éthiopien devenu marathonien, Abébé Bikila, franchissant pieds nus la ligne d'arrivée en 1960 aux Jeux de Rome. Je suis encore ému par les images de Jesse Owen pulvérisant les rêves hitlériens de domination de la race aryenne en devenant l'athlète noir le plus titré des Jeux olympiques de Berlin en 1936. Que reste-t-il de cet idéal olympique d'autrefois dans ces rendez-vous devenus plus lucratifs que sportifs ?

Je sais qu'il y a encore beaucoup d'athlètes bien propres, mais quand un ordinateur est gangréné par de méchants virus, comme c'est le cas au Comité international olympique (CIO) aujourd'hui, formater le disque dur et tout réinstaller devient la seule solution. J'ai entendu un jour Paul Arcand dire, à juste raison, que la lutte de la WWE était peut-être le seul sport vraiment propre parce qu'on y sait d'avance les dés bien pipés. Peut-être qu'il faudrait repenser totalement ces rencontres internationales où des dopés sont adulés et bien des médailles d'or suintent le remords.

MA PROPOSITION

Pourquoi ne pas désormais envoyer aux Olympiques nos élus, qui sont les représentants légitimes et donc un échantillon bien représentatif de la population d'une nation ? Il s'agirait simplement de choisir la discipline sportive selon la force du politicien. Par exemple, pour son obsession à foncer à cent milles à l'heure sur un chemin tracé d'avance, le premier ministre Couillard irait au bobsleigh. Pour sa capacité à tout faire éclater avec un simple poing levé, Pierre Karl Péladeau ferait de la boxe. Nous pourrions compter sur les nouvelles capacités cardiovasculaires de Denis Coderre sur la ligne de départ du cent mètres. Pour ses aptitudes à bien négocier un virage chaque fois qu'il descend dans les sondages, François Legault s'illustrerait au slalom. Enfin, Martin Coiteux pourrait faire de la nage synchronisée juste pour le plaisir de le voir avec un pince-nez s'agiter avec grâce dans l'eau.

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