Quand on s'est rencontrés en 2011, tu es venu avec notre ami commun, Patrick Brunette, à l'émission Des kiwis et des hommes, nous parler de la difficulté d'être homosexuel dans certaines communautés ethniques et de la nécessité de sensibiliser la population à cette triste réalité.

Africain d'origine, tu savais très bien de quoi tu parlais, et moi, du même continent, je comprenais l'énorme tabou autour du sujet. Si le fait de s'affirmer ouvertement homosexuel est déjà très lourd à assumer dans bien des cultures, le faire et aider les autres à trouver le chemin du bonheur est encore plus remarquable.

Mais, si j'ai écrit ce texte quatre ans plus tard, ce n'est pas pour te parler seulement de ton engagement dans la communauté LGBT, souvent invisible chez les minorités qu'on dit pourtant visibles. En fait, l'idée de publier ce texte trotte dans ma tête depuis notre rencontre cet été. J'admirais alors les acrobates d'un cirque guinéen au festival Nuits d'Afrique quand j'ai vu s'approcher de moi cette femme, en robe, qui m'a salué avant de me demander si je la reconnaissais. Voyant que je commençais à patiner en te demandant si tu étais une Ivoirienne ou une Burundaise, tu m'as tout de suite parlé de notre rencontre en 2011, alors que tu t'appelais encore Alexis, mais tu m'as assuré que tu étais bien plus heureuse, devenue aujourd'hui Solange.

Si j'ai écrit ce texte, c'est surtout pour te féliciter d'avoir bousculé les représentations et fragiliser ces murs qui sont encore hauts et solides.

En te promenant de façon assumée avec ta robe au milieu de tous les Africains, tu contribues à démontrer aux plus conservateurs que la frontière entre les genres est bien plus poreuse qu'on le croit.

Si un spermatozoïde portant le chromosome X féconde l'ovule, on obtient une fille. Si c'en est un transportant un chromosome Y, ce sera un garçon. Après la naissance, sont considérés comme mâles tous les individus ayant un pénis, par opposition aux bébés qui ont un vagin, qui sont des filles. Voilà ce qu'on nous apprenait autrefois dans nos cours de biologie, mais tu es, avec bien d'autres, la preuve que la chose est loin d'être aussi tranchée.

Selon Anne Fausto-Sterling, auteure et professeure en études du genre à l'Université Brown, dans le Rhode Island, il faudrait envisager au moins l'existence de cinq sexes humains, qui sont définis de la façon suivante. Il y a d'abord le sexe génétique, qui sépare les humains entre les porteurs de la combinaison XX et ceux de la combinaison XY, une particularité qui est fixée dès l'entrée du spermatozoïde dans l'ovule. Le deuxième sexe est celui qu'elle qualifie d'anatomique et qui sépare les porteurs de pénis des individus qui possèdent un vagin. Le troisième sexe, dit hormonal, oppose ceux qui produisent de la testostérone aux fabricants d'oestrogènes. Le quatrième sexe est qualifié de social ; il désigne notre appartenance personnelle au groupe des hommes ou des femmes. Pour rallonger cette liste, elle ajoute un cinquième sexe qu'elle qualifie de psychologique.

Tenant compte de ces cinq niveaux d'identité sexuelle, nous pouvons envisager une multitude de combinaisons génératrices d'autant de diversité, dont celle que tu incarnes, et que je souhaite inspirer d'autres dans les communautés culturelles qui vivent dans la peur et le déni de ce qu'ils sont profondément.

Ce sont des histoires comme la tienne qui me font réaliser à quel point vivre dans une nation aussi ouverte que le Québec est un grand privilège. Mais ce sont surtout des personnes comme toi qui changent véritablement les mentalités !

Longue vie à toi, Solange la pionnière !

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion