Traditionnellement, et dans bien des cultures, la gauche a toujours symbolisé le côté indésirable et de nombreux gauchers ont été forcés à coup de bâton à se déprogrammer et à passer à droite. Enfants dans mon village africain, nos parents nous enseignaient que la main gauche était celle qu'il fallait utiliser pour s'essuyer les fesses et qu'en aucun cas, il ne fallait toucher la nourriture avec cet appendice presque maudit.

Pour la même raison, en Occident, le lever du pied gauche ou passer l'arme à gauche sont répréhensibles, alors que la droiture, bien valorisée socialement, nous prépare après la mort à nous mériter une place à la droite du Seigneur. Pourtant, si la nature a voulu que 10% de l'humanité soient des gauchers, c'est qu'elle avait des raisons plus pertinentes que ces préjugés indémodables sur la gaucherie.

C'est à la fin du XVIIIe siècle que cette opposition presque originelle entre la gauche et la droite s'est frayée un chemin jusque dans nos moeurs politiques. Après la Révolution française de 1789, pour marquer une rupture avec le passé, les révolutionnaires avaient décidé de s'asseoir à la gauche de l'Assemblée nationale. Se faisant, ils laissaient la partie droite à l'aristocratie et au clergé. De cette première opposition entre la gauche et la droite est né le positionnement des idéologies politiques dans un spectre compris entre l'extrême gauche et l'extrême droite.

Comme la droite a besoin de la gauche et inversement, vivre ensemble impose une certaine ambidextrie sociale. C'est-à-dire de délaisser les positions extrêmes pour se déplacer un peu vers le centre. Cette interdépendance entre la gauche et la droite se retrouve même dans notre physiologie. Par exemple, le coeur gauche est chargé d'envoyer vers les organes périphériques les nutriments et l'oxygène nécessaires à leur survie. Mais il a aussi besoin du coeur droit, qui, lui, rapatrie le même sang des organes périphériques avant de l'envoyer s'enrichir en oxygène dans les poumons. Si on regarde du côté du cerveau, qui est l'organe le plus important dans le maintien de notre homéostasie, la nature a voulu que l'hémisphère gauche soit celui qui contrôle la partie droite du corps et inversement.

Mais, au-delà de la saine joute politique qui oppose la gauche à la droite, si je vous raconte ces histoires, c'est pour vous parler de ma peur des extrêmes, et surtout de l'extrême droite. 

Depuis quelques semaines, l'existence de groupuscules qui se réclament de cette idéologie, et même d'une branche québécoise du mouvement allemand PEGIDA, fait les manchettes. Évidemment, les médias, avides de ce genre d'histoire, traquent des convertis et des militants sur qui braquer les caméras. Exposer les trolls à la lumière les fait exploser!

Cette sagesse populaire originaire de la Norvège, où l'extrême droite est bien implantée, est un couteau à double tranchant. Je suis en effet de ceux qui pensent qu'il est parfois plus lucide de laisser les trolls dans la noirceur des grottes, car les rayons lumineux qui ne les font pas exploser ont tendance à les gratifier d'une mutation qui renforce leur pouvoir destructeur.

La vidéo testamentaire de Michael Zehaf-Bibeau, mise à la disponibilité de la population le 6 mars par la GRC et présentée en boucle sur toutes les télévisions, n'est rien de moins que la réalisation posthume du souhait d'immortalité d'un terroriste. Qu'est-ce qu'on a appris dans ces images qui vaille la peine de relayer ce puissant message dans un contexte social aussi tendu? Gageons que si le baril de pétrole valait encore 100$ et qu'on pouvait encore tabler uniquement sur l'économie pour se faire élire, cette vidéo resterait cachée comme ces trolls qui cherchent à se faire exposer à la lumière.

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