Les terroristes ont aussi compris que répandre la peur est un premier pas vers le pouvoir

À ce questionnement dont j'ai fait le titre de cette chronique et qu'on attribue à André Malraux, on peut maintenant répondre sans se tromper que ce siècle s'annonce extrêmement religieux. 

C'est ainsi qu'en plus d'avoir fait couler beaucoup de sang et d'encre, les dramatiques et terrifiants attentats de Paris ont solidement secoué un des piliers de la démocratie occidentale. On peut même se demander si les journalistes qui disent être Charlie auront encore demain le courage de déclamer leur liberté voltairienne. Pas facile de dompter la peur quand l'ennemi peut surgir de la porte d'à côté ou du voisin d'en face ! Mon grand-père racontait cette histoire sur le sujet.

La peste, disait-il, cheminait tranquillement vers une bourgade quand elle croisa un chef caravanier qui lui demanda où elle s'en allait. La peste lui répondit alors qu'elle marchait sur la prochaine ville pour y prendre 5000 vies. Quelques mois plus tard, le même chef caravanier croise de nouveau la peste sur son chemin et lui demande pourquoi elle avait tué 10 000 personnes à la place des 5000 initialement prévues. La peste de répondre : « J'ai effectivement pris 5000 vies. Seulement, en sortant de cette agglomération, j'ai croisé ma vieille amie la peur qui m'a juré d'en prendre autant. »

Les terroristes ont aussi compris que répandre la peur est un premier pas vers le pouvoir et ils ne sont pas seuls. En plus des pharmaceutiques, des assurances, des médias et de bien d'autres qui exploitent sans retenue notre frousse de la mort et des surprises désagréables, même les politiciens savent qu'on peut se faire couronner en utilisant cette vulnérabilité humaine. C'est pour ça qu'en campagne électorale, on passe moins de temps à parler de son programme qu'à marteler les malheurs qui guettent la population advenant la victoire des adversaires.

Le 21e siècle sera très religieux et un sacré problème nous y attend, car pour des gens qui ont très peur de la mort, lutter contre des extrémistes qui la considèrent comme une récompense suprême est un gros défi. Lorsqu'un combat oppose des personnes qui ont tout à perdre et d'autres qui n'ont rien à perdre, est-ce qu'on peut vraiment parler de lutte à armes égales ?

Un attentat cruel

Est-ce qu'il est logique, au nom des libertés individuelles, de laisser tous ces jeunes qui ont appris à tuer à l'étranger revenir au pays si on n'est pas capables de les surveiller efficacement ? La citoyenneté d'un État de droit ne devrait-elle pas être un privilège révocable pour celui qui en menace les fondements ? Les véritables croyants ne sont-ils pas cette grande majorité qui risque injustement d'être stigmatisée parce qu'elle trouve illogique de tuer au nom d'un « infiniment bon » ou de défendre un déjà « Tout-Puissant » avec une kalachnikov ?

Le 21e siècle sera très religieux et moi, mes nuits sont aussi hantées par cette jeune fille de 10 ans, flanquée d'une bombe sur le dos, que Boko Haram a envoyée se faire exploser dans un marché du nord du Nigéria. Cette horreur qui a fait dire à ma belle-mère, en larmes, qu'elle ne pouvait pas imaginer qu'on puisse descendre aussi bas en matière de cruauté et d'inhumanité. 

Mais qui veut être cette fillette du Nigéria dont le drame a été presque éclipsé par Charlie ? J'ai l'impression que même le président de son pays, Goodluck Jonathan, que les Nigérians ont rebaptisé « Badluck Jonathan », ce personnage clownesque chez qui on ne sent aucune volonté de combattre cette secte sanguinaire, refuse de la regarder.

Et si la lutte et la prévention du terrorisme international passaient aussi par la nécessité de s'identifier à cette pauvre fillette, ainsi qu'à ces milliers d'autres qui se font saigner loin des pays du Nord, dans l'anonymat et le silence ?

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