Chaque fois que je vais dans un salon du livre, je réalise à quel point les bouquins de croissance personnelle et de gourous de toute sorte ont explosé ces dernières années. Des livres souvent écrits par des conférenciers qui ont tellement compris la vie et l'humain qu'ils font payer les gens pour leur professer comment trouver le bonheur, devenir une nouvelle personne ou découvrir l'astronaute qui sommeille en eux. Mais, de tous ces connaisseurs, c'est du spécialiste autoproclamé du moment présent dont je veux parler. Si vous cherchez des titres sur le sujet, vous trouverez de très bons bouquins sur la méditation et une quantité incommensurable d'oeuvres commises par des charlatans de la condition humaine.

Il y a bien des obstacles biologiques sur le chemin de cette félicité qui tourne le dos au passé et refuse de scruter le futur. Comment peut-on rester uniquement dans le présent quand on visualise constamment la mort devant nous et planifie notre existence en fonction du nombre de respirations qu'il nous reste à livrer?

Si nos ancêtres lointains s'étaient contentés de vivre au présent, nous ne serions probablement pas ici pour en parler. L'humain est une espèce que la conscience de la mort qui arrive et le besoin de retarder sa date de péremption ont toujours poussé à anticiper, engranger des vivres, un peu comme l'écureuil enterre ses glands, domestiquer les animaux pour s'affranchir des aléas de la chasse et se fixer des objectifs à atteindre, un peu comme on prend des résolutions en début d'année.

Il est d'ailleurs très facile de coincer tous ces gens qui passent leur temps à vendre des tickets pour apprendre aux autres à vivre au présent. Ils écrivent un bouquin, font 200 conférences par année et courent les émissions pour faire avancer leurs affaires et répondre aux attentes du planificateur financier qui s'occupe de leur simplifier le futur pendant qu'ils enseignent comment savourer le présent. En arrière de chaque parent spécialiste du bonheur par le carpe diem, il y a une autre personne qui sacrifie son présent pour planifier et faire les innombrables plongeons dans le futur indispensables à la bonne marche d'une vie familiale.

Si j'ai choisi ce sujet pour marquer le début de 2015, c'est aussi parce qu'un programme politique est une résolution qui ne devrait jamais se concentrer uniquement sur le court terme. Est-ce que le Québec serait encore majoritairement francophone si des visionnaires n'avaient pas, dans le passé, osé prendre de grandes résolutions et ériger des barrières contre l'assimilation qu'ils voyaient poindre à l'horizon? Est-ce que le Québec serait la nation pacifique qu'elle est si une tradition de politiciens n'avaient pas anticipé que lorsque l'économique ne marche pas main dans la main avec et le social et le communautaire, la violence n'est pas loin derrière?

Quand faire de la politique se limite à préparer le prochain scrutin, comme c'est souvent le cas maintenant, on est devant une vision à court terme, ce manque de prévoyance d'hier qui risque maintenant d'étrangler Montréal avec la dégradation simultanée du pont Champlain, de l'échangeur Turcot et du tunnel Hippolyte-Lafontaine. Pour cette raison, en cette année 2015 qui commence, je souhaite que nos gouvernants prennent la résolution d'investir le dollar dans le parc immobilier des écoles publiques de Montréal, qui tombent en ruine, ce qui nous permettra de sauver neuf piastres dans un futur pas lointain.

Si le besoin absolu d'équilibrer le budget familial amène un père de famille à délaisser la scolarité des enfants, la santé des plus vieux et la précarité économique de la parenté, l'obsession pour un présent parfait n'accouche jamais d'un futur simple.

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