Avez-vous déjà vu une femme qu'un mari contrôlant a réussi à briser à force de lui dire qu'elle ne peut pas survivre sans lui, qu'elle a besoin de son argent pour manger et qu'elle n'est plus assez belle pour séduire un autre mâle ? Cette conjointe qui, au début, avait une fierté et des rêves plein la tête, mais qui finit par tomber dans la passivité et se convaincre que son sort passait inéluctablement par le bon vouloir de l'autre ?

Sa confiance et son identité profonde ébranlées, elle se met alors à se négliger, vaincue par le cynisme et le manque de sensibilité de ce partenaire qui ne rate pas une occasion de lui rappeler son essentialité dans sa vie. Dans une telle mauvaise histoire d'amour, la belle finit souvent par mourir dans ce qu'elle est pour renaître dans un semblant de vie par procuration. Elle garde alors le sourire bien apparent, mais s'automutile honteusement d'avoir laissé la peur devenir maître de son destin.

Avez-vous déjà vu ou senti cette sordide histoire dans le regard d'une personne ? C'est ce qui m'est arrivé cet été. Pendant que le soleil brillait sur la ville de Québec, j'ai vu une femme dont la lumière intérieure s'est éteinte, et je voulais vous raconter cette histoire à la fois dramatique et inspirante avant le début officiel de l'automne.

Non, en fait, ce texte est plutôt un hommage que je veux rendre à un grand monsieur dont je ne connais pas le nom. Il devait avoir 70 ans et portait une pagaie sous le bras. J'ai rencontré ce justicier non masqué, mais déguisé en homme de la mer, au port de Québec, le vendredi 15 août, pendant les festivités de la Nouvelle-France.

Comme c'est souvent le cas dans cette partie de Québec pendant l'été, il y avait des touristes partout. Et juste à côté de notre voiture se tenait un couple dans la trentaine, avec un fort accent français, et leurs deux jeunes enfants. La fille semblait terrorisée, et comme elle ne voulait pas que ses enfants entendent ce que le papa se préparait à lui cracher, elle leur demanda de s'éloigner. Mais les petits étaient encore à côté quand le monsieur se déchaîna sur la femme en hurlant comme un possédé et avec une grossièreté indigne d'un homme des cavernes. Bref, une brutalité verbale qui laissait entrevoir qu'il pouvait s'en prendre physiquement à elle à la maison.

Devant ces invectives et les enfants en larmes, je me suis senti profondément indigné, mais figé par l'impression que leur chicane de couple n'était pas de mes affaires. Heureusement, il y a encore sur cette Terre des justiciers comme ce monsieur à la pagaie qui s'est approché du gaillard et lui a crié devant tout le monde en le fixant du regard : « Monsieur, vous êtes un imbécile ! Vous êtes le pire des imbéciles à se promener dans cette ville ! Vous ne méritez pas cette femme et vous allez vous calmer sinon on va appeler la police ! » Voyant l'animal agressif se retourner vers le monsieur à la pagaie, je me suis approché en répétant que je pensais exactement la même chose que lui.

Le dégénéré s'est alors éloigné de sa conjointe et a sorti son appareil photo pour faire diversion pendant que la femme allait calmer les enfants sous le choc. En s'éloignant, la dame s'est retournée vers nous et a fixé le monsieur à la pagaie avec ses tristes yeux qui semblaient dire : « Ce sont véritablement des gens comme toi qui changent le monde. »

Ce monsieur m'a appris qu'il y a des limites à ne pas se mêler de ce qui ne nous regarde pas.

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