Le «becquer bobo» d'égo, c'est le poste qu'on vous offre pour vous consoler d'avoir perdu celui que vous convoitiez le plus. C'est une pratique qui est très courante en politique. «Étant donné, dit parfois le chef, que j'ai convaincu telle grande pointure de rejoindre nos rangs et que sa passion pour la politique est indissociable de ce nanane que tu tiens dans la main, je dois te le prendre. Mais, pour récompenser ta loyauté, je vais te trouver un portefeuille de remplacement tout aussi prestigieux, même si je sais qu'au-delà du pouvoir, c'est ce besoin incommensurable, détaché et presque génétique de servir le Québec qui t'a aussi amené en politique.»

Au-delà de ses propos sur les bibliothèques scolaires, l'affaire Bolduc devrait aussi faire réfléchir sur ce système de récompenses, pour ne pas dire cette collusion, qui ne tient aucunement compte de l'intérêt du peuple et des compétences du ministrable. Le premier ministre Couillard a beau contredire Monsieur Bolduc, il demeure celui qui est coupable de ne pas avoir choisi la personne la plus qualifiée et la mieux outillée pour cette immense responsabilité.

Au Québec, qu'on ne puisse pas s'improviser dentiste ou pharmacien et que des médecins, comme Monsieur Bolduc, prennent 1500 patients parce qu'ils jugent que les infirmières ont une trop grande méconnaissance pour prescrire des gouttes d'antibiotique pour une conjonctivite et de la crème cortisone pour une poussée d'eczéma, c'est normal.

Mais pour la direction de cet énorme ministère, un novice dans le domaine peut se voir attribuer les compétences requises. Connaissez-vous une multinationale avec un budget avoisinant les 16 milliards qui dirait: «je pense qu'un médecin généraliste serait excellent comme gestionnaire et grand patron. Après tout, il connaît très bien le corps humain» ?

On retrouve au Québec beaucoup d'immigrants qui ont vu leurs rêves d'expatriés s'éteindre à cause des barrières souvent infranchissables érigées par les ordres professionnels. Je me demande comment expliquer à ces ingénieurs qui n'ont pas le droit de signer un plan ou à ces médecins que je rencontre dans les taxis qu'on n'a pas besoin d'une qualification particulière pour être le grand patron du ministère qui diplôme tous les élèves et étudiants du Québec, y compris les membres de ces fameuses corporations.

L'éducation devrait être réservée à des visionnaires cultivés, qui croient à l'enseignement public et ont à coeur ce projet d'instruction à chances égales qui nous file de plus en plus entre les mains. Entendons-nous bien, je n'ai rien contre l'école privée. Je crois simplement à la nécessité d'avoir une bataille à armes égales entre les deux systèmes parallèles. Dans ma vision un peu idéaliste de l'éducation, les écoles dans les milieux les plus défavorisés seraient des lieux de villégiature pour faire oublier aux enfants leur quotidien souvent difficile à la maison. Malheureusement, l'éducation au Québec, c'est un peu comme l'écologie: l'important c'est de trouver un slogan pour sembler s'en préoccuper publiquement.

La dernière tentative de diversion en la matière se disait être un sommet sur l'enseignement supérieur, alors qu'à mon avis, avant de se concentrer sur le sommet, il faut d'abord se préoccuper de la base de notre arbre de la connaissance. Les problèmes sont beaucoup plus cruciaux au niveau des racines et du tronc, qui limitent dramatiquement la montée de la sève vers ce sommet. Autrement dit, on ne peut pas du jour au lendemain augmenter la performance, l'accessibilité et le taux de fréquentation et de diplomation des universités quand ce qui se passe dans les écoles primaires et secondaires constitue ce que les chimistes appellent un facteur limitant.

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