À l'occasion du sommet sur la santé maternelle qui s'est déroulé à Toronto du 28 au 30 mai, le Canada s'est engagé à donner des sous aux pays en développement pour s'attaquer, entre autres, à la malnutrition et améliorer la santé des mamans et de leurs enfants.

Une généreuse cagnotte dont moins de 1 % est alloué au planning familial, évidemment parce que l'avortement, comme l'a rappelé le premier ministre Stephen Harper, est un sujet encore très délicat dans bien des pays du Sud. Une vérité certes, mais peut-on vraiment dissocier ce silence autour de la régulation des naissances du virage presque évangélique des humanitaires canadiens sous le règne des conservateurs ?

Dans les années 90, j'ai vu dans l'est de l'Afrique, alors ravagé par le SIDA, ces évangélisateurs d'un nouveau genre monter en chaire pour expliquer à des populations vulnérables que la solution se trouvait plus dans l'abstinence que dans l'usage du condom. Le même discours que tiendra d'ailleurs, quelques années plus tard, le pape Benoît XVI lors de son voyage en Afrique en 2009. « Et pourquoi ne pas leur recommander l'opéra ou les musées à la place du plaisir charnel ? », avais-je envie parfois de leur crier.

Même si la priorité de cette aide canadienne est de sauver des mamans et leurs poupons, j'ai la certitude que pour un pays en développement, la régulation des naissances est au coeur de la solution et qu'il est tout aussi pertinent de sauver des bébés que de ne pas les concevoir si on n'est pas en mesure de les élever. Terrible est, en effet, le sort réservé à tous ces garnements errant dans les rues des grandes villes africaines. Ces marginaux dont certains intégreront les brigades d'enfants-soldats qui sont une grande source d'instabilité sociale, politique et économique dans bien des pays.

Dans son rapport datant de 2012, le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) estimait à 222 millions le nombre de femmes sans aucun programme de planification familiale. Ce qui correspond à 80 millions de grossesses non désirées par année. Or, si une femme fait sept enfants dans un pays en développement, disent les experts, elle a un risque sur sept de mourir d'une de ces grossesses.

Qu'on soit en Occident ou dans un pays en développement, la liberté de choisir combien et quand est-ce qu'on veut avoir des enfants restera toujours le premier pas vers l'autonomie féminine. Un article de Rémi Barroux, dans Le Monde, datant de 2012, nous apprenait qu'au Bangladesh, les femmes qui pratiquent le planning familial avaient un salaire de 1/3 supérieur à leurs consoeurs qui ne planifiaient pas les naissances et qu'au Nigéria, une réduction du taux de fécondité d'un enfant par femme pouvait, sur une vingtaine d'années, augmenter le revenu annuel par habitant de 1143 euros.

La planification des naissances favorise l'émancipation des femmes en permettant de réduire la pauvreté, d'améliorer la santé, de promouvoir l'égalité des sexes et d'aider les adolescentes à poursuivre leurs études. Des neuf enfants de ma mère, seules les deux filles devenues accidentellement enceintes à adolescence n'ont pas eu la chance de compléter leur scolarité. Si le libre choix avait existé à cette époque dans ma région natale, j'aurais aimé voir mes deux soeurs, qui étaient de brillantes élèves, différer la procréation et continuer leurs études. Cela aurait eu une incidence significative sur leur vie, mais aussi sur l'éducation et l'avenir de leur progéniture.

Si on veut vraiment qu'elle fasse une différence pour les femmes des pays en développement, je crois que l'aide humanitaire devrait toujours être assujettie de programmes de sensibilisation à la planification des naissances.

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