Même si les attentes étaient faibles, la 25e Conférence sur le climat (COP) ne les a pas atteintes en fin de semaine dernière à Madrid.

Après deux semaines à parlementer, rien n’a bougé ou presque. Les négociateurs américains et brésiliens ont été particulièrement efficaces pour distribuer les jambettes et autres prises du sommeil.

Face à ce théâtre, la colère est une réaction normale et même modérée. N’empêche qu’il ne faudrait pas oublier que la COP n’est pas la source du blocage. Elle est son aboutissement. Le véritable problème se situe en amont auprès des gouvernements. Et c’est sur eux que les citoyens ont un pouvoir. Comme celui, parfois jouissif, de les mettre au chômage.

Une COP aura rarement autant symbolisé le décalage entre la science et la politique. 

Dans les derniers mois, des rapports inquiétants se sont succédé (note au lecteur : un rapport scientifique est un document de quelques centaines de pages que certains chroniqueurs ne lisent pas, car il est plus économique de pondre une rapide analyse sociopop de la militante Greta Thunberg).

Les rapports, disions-nous, se sont succédé cette année : il y en a eu sur la chute de la biodiversité, sur la hausse du niveau des océans, sur l’insécurité alimentaire et sur le réchauffement du climat*. En d’autres mots, sur l’air, l’eau, la terre, la faune et la flore, des choses reconnues pour être d’une certaine importance.

PHOTO CRISTINA QUICLER, AGENCE FRANCE-PRESSE

« Les États ont jusqu’à la prochaine rencontre, en novembre 2020 à Glasgow, pour mettre à jour leurs objectifs », écrit Paul Journet.

Les climatologues recommandent de limiter la hausse à 1,5 degré. Or, cette cible paraît de plus en plus inatteignable. Elle exigerait de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de moitié d’ici 2030. Et ce, alors qu’elles continuent d’augmenter annuellement depuis la dernière décennie.

Preuve de cette schizophrénie : le Canada, qui a milité fort pour que les pays visent le 1,5 degré, veut poursuivre l’expansion de son industrie pétrolière.

La planète s’est déjà réchauffée de 1,1 degré depuis l’ère industrielle. Si les pays respectaient leurs engagements, cette hausse dépasserait 3,2 degrés d’ici la fin du siècle**. Et encore là, c’est peut-être une prévision optimiste, car plusieurs pays pourraient ne pas atteindre leur cible actuelle.

Chaque année de retard rendra l’effort plus douloureux. Par exemple, si les États s’étaient entendus en 2009 à Copenhague pour limiter le réchauffement à 1,5 degré, cela aurait requis une baisse annuelle de 3,3 % des émissions de GES. Aujourd’hui, la baisse annuelle requise est de 7,6 %. Plus on pellette le problème vers l’avant, plus le choc sera brutal. Les conservateurs qui craignent une crise économique aujourd’hui s’en magasinent une encore plus grosse pour l’avenir.

Bien sûr, les technologies inconnues à venir ne sont pas incluses dans ces scénarios. Elles aideront, sans aucun doute. Mais il est téméraire de croiser les doigts en attendant un miracle.

Bref, le fossé se creuse entre d’une part les citoyens qui écoutent les climatologues et crient à l’urgence, et d’autre part les négociateurs qui s’escrimaient à Madrid au sujet d’adjectifs et de virgules.

Mais il y a une consolation pour ces gens déçus. La COP qui vient de se terminer n’était pas celle de la dernière chance, comme on le prétend trop souvent.

Il y a eu 24 COP avant et il y en aura d’autres. En vertu de l’accord de Paris, chaque pays se dote lui-même de ses propres cibles de réduction de GES.

Ce qui était débattu à Madrid, c’était le suivi des modalités techniques de l’entente comme la création d’un marché d’échange de crédits, l’indemnisation pour les pertes et préjudices liés aux catastrophes climatiques et enfin l’aide aux pays pauvres. Ces enjeux sont certes importants, mais la clé demeure l’atteinte de cibles de GES par chaque pays.

Les États ont jusqu’à la prochaine rencontre, en novembre 2020 à Glasgow, pour mettre à jour leurs objectifs. Quelque 80 pays l’ont déjà fait, y compris la quasi-totalité des membres de l’Union européenne.

Il est vrai que les négociations internationales sont essentielles pour que les pays se coordonnent afin de remplacer la logique du plus bas dénominateur commun (ne pas vouloir en faire plus que son voisin) par un cercle vertueux. Par exemple, les experts espèrent que la Chine sera poussée à agir au terme d’une rencontre prochaine avec l’Union européenne.

Reste que pour forcer les autres à en faire plus, la principale pression ne viendra pas de la COP.

Elle arrivera d’ailleurs : des partis de l’opposition qui talonnent le gouvernement, des électeurs qui menacent de ne plus voter pour eux, des investisseurs qui délaissent les énergies fossiles, des entrepreneurs qui innovent dans les technologies vertes et enfin des villes, provinces ou États comme la Californie qui montrent l’exemple à leur gouvernement central.

La COP n’est pas le fil d’arrivée des débats environnementaux. Le blocage a lieu bien avant. Et heureusement pour les citoyens, c’est là que leur influence est la plus grande.

Un 0,5 degré qui fera mal

Voici quelques constats tirés du dernier rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement.

– Dans un scénario de hausse des températures de 1,5 °C, plus de 70 % des récifs coralliens mourront, mais à 2 °C, pratiquement tous les récifs seront perdus.

– La probabilité de voir l’océan Arctique complètement dépourvu de glace de mer en été serait d'une fois par siècle à 1,5 °C, mais à 2 °C, elle serait d’une fois par décennie.

– L'élévation du niveau de la mer sera plus élevée de 100 cm dans un scénario à 2 °C de réchauffement que dans scénario à 1,5 °C.

* Les études principales publiées en 2019 :

- Simulations sur le climat par le Centre national de la recherche scientifique de France

- Rapport sur les océans du GIEC

- Rapport sur la sécurité alimentaire du GIEC

- Rapport de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques

- Bulletin de l’OMM

- ** Rapport d’activité mondial sur l’action climatique du programme pour l’Environnement de l’ONU

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