Les conservateurs ont raison de le souligner : alors que le gouvernement Trudeau revient à Ottawa cette semaine pour la dernière année de son mandat, on sait déjà qu'il ne respectera pas une importante promesse : celle de rééquilibrer son budget.

Par contre, les troupes d'Andrew Scheer exagèrent les conséquences. Les finances publiques du Canada ne sont pas menacées. Le problème est plus politique que financier. Pour s'en convaincre, on peut lire la dernière projection du Directeur parlementaire du budget (DPB).

En 2015, Justin Trudeau avait surpris ses adversaires par son audace. Il l'avouait sans détour: un gouvernement libéral ferait de «modestes déficits» afin d'investir entre autres dans les infrastructures et les programmes sociaux, et stimuler la croissance. Il promettait d'équilibrer le budget d'ici 2019.

On connaît la suite. Les libéraux auront passé tout leur mandat dans le rouge. Pour leur dernier budget, ils projettent un déficit de 19 milliards.

Durant leur mandat, ils auront ajouté 75 milliards à la dette, soit presque quatre fois plus que prévu. Ce n'était pas ce qui avait été promis aux électeurs.

Le ministre des Finances, Bill Morneau, explique qu'un plan budgétaire doit être assez « flexible » pour s'adapter au contexte mondial. En effet, en 2015, personne ne prévoyait l'élection de Donald Trump. Le président des États-Unis a baissé les impôts et assoupli l'amortissement des entreprises américaines. En réaction, M. Morneau a baissé la fiscalité de nos entreprises pour ne pas nuire à leur compétitivité. Or, cette mesure coûtera 2,7 milliards par année en moyenne. Elle n'explique donc qu'une fraction des déficits libéraux.

Les autres dépenses ne résultent pas de changements imprévus. Il n'y a pas nécessité de s'endetter pour relancer l'économie. Au contraire, le taux de chômage est faible et la croissance est relativement solide.

Selon les conservateurs, le Canada a brûlé sa marge de manoeuvre pour réagir au prochain ralentissement. M. Trudeau nous conduirait ainsi vers une hausse des taxes ou une compression des dépenses. Or, les chiffres disent autre chose.

Si on les compare à la taille de l'économie, les déficits libéraux sont restés modestes - moins de 2% de la taille du PIB.

La dette demeure elle aussi à un niveau très gérable. Elle correspond à 30% du PIB, soit le plus faible ratio des pays du G7. Et malgré les déficits prévus, ce ratio continuera de baisser légèrement grâce à la croissance de l'économie. Selon les calculs du DPB, il resterait même une légère marge de manoeuvre pour dépenser plus ou taxer moins.

Mais cela ne justifie pas toutes les dépenses... Comme le rappellent les conservateurs, une certaine nonchalance s'est installée à Ottawa. Ce n'est pas parce qu'on peut dépenser qu'il faut le faire.

C'est le manque de discipline qui est inquiétant. Les libéraux ne peuvent même plus dire quand ils équilibreront le prochain budget. Cela n'incite pas à une discipline pour contrôler les coûts de la bureaucratie et des programmes. Après tout, entre un déficit de 18 et de 22 milliards, quelle est la différence?

C'est d'autant plus irritant que le déséquilibre se creuse entre le fédéral et les provinces. Comme le démontre le DPB, si les finances publiques du fédéral sont saines, celles des provinces sont précaires. La raison : elles sont responsables de la santé, dont les coûts augmentent à cause du vieillissement de la population.

Il est vrai que le gouvernement Legault a hérité d'un surplus pour 2019. Mais ne perdons pas de vue le portrait d'ensemble. Alors que le fédéral a encore un peu de place pour grossir, les provinces devront se serrer la ceinture pour la prochaine décennie.

Elle est là, la principale menace pour les finances publiques.

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