Le Fonds vert devient un épouvantail qui cache la forêt. Une distraction qui masque l'essentiel dans notre lutte contre les changements climatiques.

Que le Fonds vert soit mal géré, cela ne fait pas de doute. Hier, un énième rapport l'a démontré. Reste que deux gros bémols doivent être apportés. Cette gestion n'est tout de même pas aussi catastrophique qu'on le prétend.

Et surtout, le principal problème environnemental du Québec n'en est pas un de gestion d'un fonds en particulier. C'en est plutôt un de vision d'ensemble. Soit la façon d'aménager le territoire et de s'y déplacer.

Le Fonds vert a été créé en 2006. Il utilise les recettes des taxes vertes (taxe sur l'essence et marché du carbone) pour lutter contre les changements climatiques.

Depuis plusieurs années, les rapports critiques se succèdent. Les gouvernements Charest et Couillard y ont même déjà pigé pour payer les intérêts sur les travaux routiers ou la construction d'un oléoduc entre Lévis et Montréal. Au nom de l'environnement, on a investi dans le pétrole...

En 2016, un conseil a été créé pour superviser la gestion du Fonds. Son rapport a été rendu public hier. Sa conclusion : c'est le bordel. Le Fonds sert à financer une multitude de petites mesures sans qu'on chiffre la réduction visée de GES ni qu'on vérifie si cet objectif a été atteint. Et quand on réussit à le calculer, le résultat étonne. Certaines mesures coûtent 200 $ par tonne de GES tandis que pour d'autres, la facture grimpe à 1300 $.

Ces conclusions ne sont pas fausses. Le Fonds vert s'éparpille bel et bien dans ses mesures. Il y a une cacophonie entre les actions des différents ministères qui rechignent à rendre des comptes à leur petit frère de l'Environnement et qui n'ont même pas d'objectifs.

N'empêche que le rapport a été écrit avec des ornières comptables. Certaines critiques vont trop loin.

Le rapport laisse entendre que Québec gaspille en dépensant dans la sensibilisation et l'adaptation aux changements climatiques. Or, ce n'est pas parce qu'elles ne réduisent pas les GES qu'elles sont inutiles.

Le rapport omet aussi de dire que certaines dépenses sont souhaitables même si leur impact sur les GES se mesure mal. C'est le cas des transports collectifs. En vertu de la loi, les deux tiers du Fonds vert servent à financer les transports. L'enveloppe peut servir par exemple à embaucher des chauffeurs d'autobus dans une municipalité. De combien cela baissera les GES ? Difficile à prévoir et à mesurer. Et si on réussit, tout indique que le coût par tonne de GES sera nettement plus élevé que pour des mesures pointues comme la fin du chauffage au mazout. Mais l'embauche de chauffeurs n'en est pas moins justifiée.

Le gouvernement Legault a tout à fait raison de critiquer la gestion du Fonds sous les libéraux et de vouloir l'assainir. Il faut moins d'éparpillement et plus de suivi. Mais il ne devrait pas perdre de vue le portrait d'ensemble : pour s'attaquer aux GES, l'essentiel est ailleurs.

Depuis 1990, le Québec a réduit ses émissions de GES pour les industries, les déchets et le chauffage des bâtiments. Pendant ce temps, elles ont gonflé de 22 % dans les transports. Ce secteur compte maintenant pour 43 % de nos émissions totales.

La cause est simple : les véhicules sont de plus en plus gros et nombreux. Ils augmentent plus vite que la population, et les camions légers se vendent désormais plus que les modèles ordinaires.

Pour s'y attaquer, le Fonds vert n'est pas l'outil principal.

D'abord, il faudrait mieux répartir les investissements en infrastructures. À l'heure actuelle, le transport routier récolte 70 % de l'enveloppe et le reste va au volet collectif. On aggrave ainsi le déséquilibre au lieu de le régler.

Ensuite, il faut adopter des lois, des règlements et des mesures d'écofiscalité pour décourager l'auto solo et favoriser le télétravail, le covoiturage ainsi que les véhicules écoénergétiques.

Bref, il faut un mélange de carottes et de bâtons. Tout ce travail se fera en marge du Fonds vert, qui ne finance qu'une faible portion du total de dépenses en transports collectifs.

Le gouvernement Legault semblait un peu trop heureux de dramatiser le rapport sur la gestion du Fonds vert. Il ne faudrait pas qu'il s'en serve comme prétexte pour justifier l'échec de l'atteinte des cibles de réduction de GES pour 2020. Ni qu'il l'utilise pour discréditer les nécessaires mesures d'écofiscalité. Et encore moins qu'il passe son mandat à jouer au bon gestionnaire environnemental en réformant des volets pointus du Fonds vert, afin de mieux faire oublier qu'il tarde à s'attaquer au coeur du problème.

Lisez le rapport du conseil de gestion du Fonds vert

Explorez le dernier inventaire des émissions de gaz à effet de serre du Québec

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