Autre chèque de péréquation, autre crisette de la fédération. Comme d'habitude, le versement de cette somme au Québec a suscité la colère de l'Ouest.

On aurait pu écrire les manchettes à l'avance. Le Québec critique le « pétrole sale », mais il n'a pas de scrupules à en encaisser les revenus. Et ce, même s'il enregistre déjà des surplus budgétaires et que les provinces pétrolières croulent sous les déficits. Hypocrites !

Voilà en somme le refrain entonné cette année encore dans l'Ouest.

Bien sûr, le Québec n'est pas à plaindre... Parmi les grandes provinces, il est le seul à bénéficier de la péréquation. Mais il n'est tout de même pas un mendiant. Les chiffres racontent une histoire plus nuancée.

L'indicateur le plus juste est le versement par habitant. À ce chapitre, le Québec n'est pas le plus avantagé par la péréquation. Parmi ceux qui en reçoivent, il est celui qui en obtient le moins par habitant.

De plus, la péréquation ne représente que le quart des transferts fédéraux. La majorité vient des versements pour la santé et les programmes sociaux.

Le meilleur portrait des programmes fédéraux, c'est donc le total des versements par habitant. À nouveau, le même constat se dégage : le Québec se situe dans la moyenne. Il est plus avantagé que les autres grosses provinces, mais moins que ses voisins de l'Est.

À l'heure actuelle, 21 % des revenus du Québec viennent des transferts fédéraux. C'est plus que dans les années 90. N'empêche que le Québec n'a pas été favorisé par l'évolution récente des transferts pour la santé et les services sociaux. Sa portion de l'enveloppe totale a diminué dans la dernière décennie à cause de la nouvelle méthode de calcul. On ne tient plus compte du fait que le système de santé coûte plus cher au Québec, à cause de la population vieillissante.

Notre analyse n'apaisera pas la grogne de l'Alberta et de la Saskatchewan. L'aide au Québec leur paraît aussi injuste pour deux autres raisons : notre budget est équilibré, et nous menaçons de bloquer l'oléoduc Énergie Est.

Il est vrai que le Québec enregistrera cette année un surplus, tandis que l'Alberta prévoit rester en déficit pour encore cinq ans. Mais ce n'est pas ainsi que fonctionne la péréquation.

Ce programme permet aux citoyens de chaque province de recevoir un niveau semblable de services. Pour cela, on calcule la capacité de chaque province à générer des revenus fiscaux. Celles qui ont accès à moins de revenus - par exemple, parce qu'elles n'ont pas la chance d'être assises sur des ressources naturelles - recevront une aide.

Malgré ses déficits, l'Alberta a plus de revenus potentiels à sa disposition. Or, elle a fait le choix politique de taxer moins ses citoyens et ses entreprises. C'est son droit, mais qu'elle ne s'étonne pas si le Québec, avec sa fiscalité nettement plus lourde, équilibre ses budgets.

Quant au prétendu blocage de l'oléoduc, c'est l'argument le plus faible de l'Ouest. Le projet Énergie Est a été abandonné en octobre 2017 pour des motifs économiques. Et le Québec en fait un peu plus pour désenclaver le pétrole de l'Ouest. Grâce à l'inversion de l'oléoduc Enbridge 9B, nous nous approvisionnons maintenant surtout en Amérique du Nord, au lieu d'acheter du pétrole outremer.

Dans l'ensemble, l'Alberta a raison de dire que son pétrole enrichit le Québec à travers la péréquation. Mais elle oublie de dire que lorsque le prix du baril explose, les provinces de l'Est sont pénalisées par la hausse du huard. Elle oublie aussi que le gouvernement Trudeau est en train de nationaliser un oléoduc, le Trans Mountain. Et surtout, elle oublie qu'elle refile une immense dette climatique aux autres provinces.

Selon ses engagements très modestes, le Canada vise à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 9 % d'ici 2030, par rapport au niveau de 1990. Le Québec a déjà réduit ses émissions de 9 mégatonnes. Mais en Alberta et en Saskatchewan, les émissions ont explosé. Les hausses des provinces pétrolières sont 10 fois supérieures aux baisses québécoises ! Si rien ne change, le Canada sera face à un choix : rater sa cible ou l'atteindre en demandant aux provinces non pétrolières d'en faire encore plus. Mais cela, dans l'Ouest, on n'en parle jamais...

Voilà un portrait plus complet. Il aurait permis de sauver les chemises que l'Ouest déchire en vain depuis des années.

Soyons clairs : il n'y a aucune fierté à récolter un chèque de péréquation. Le premier ministre François Legault a raison de vouloir créer plus de richesse afin que le Québec n'ait plus besoin de l'argent de ses voisins. Mais cela ne justifie pas leurs raccourcis rageurs.

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