Un demi-siècle après le rapport Parent, l'éducation redevient la priorité nationale. Enfin.

Dans son discours inaugural hier, François Legault n'a pas dit que sa priorité serait la santé ou l'économie. « Pour la première fois depuis les années 60, l'avenir de nos enfants va être l'ambition première d'un gouvernement », a dit le premier ministre caquiste.

On a envie d'y croire.

Même s'il vient à peine d'être élu, M. Legault doit déjà réfléchir à son héritage. Un mandat de quatre ans, c'est court. Pourquoi voulait-il le pouvoir ? Que souhaite-t-il laisser au Québec ? Parmi ses legs, il y aura peut-être la réforme du mode de scrutin. Mais le succès de son mandat se mesurera aux progrès en éducation, a-t-il dit. Cela faisait longtemps qu'un premier ministre avait promis d'y concentrer ses efforts.

Selon M. Legault, le plus grand ennemi du Québec, c'est la peur d'échouer ou de déplaire. Il aurait pu ajouter un autre ennemi : l'éparpillement.

Les anciens ministres libéraux de l'Éducation se sont cassé les dents dans le brassage de structures. Dans l'opposition, les caquistes s'éparpillaient eux aussi en ce sens. Ils ont depuis corrigé le tir. Ils renoncent à imposer un ordre professionnel aux enseignants, et ils proposent de réformer et non d'abolir les commissions scolaires. C'est plus sage, mais cela pourrait néanmoins devenir une distraction. Car l'urgence est ailleurs.

Il manque d'écoles, d'enseignants et de personnel spécialisé. Et le taux de décrochage reste inquiétant, surtout chez les garçons. Même si M. Legault le reconnaît, il n'a pas encore tout à fait démontré qu'il agirait en conséquence.

Dans les années 60, le rapport Parent a lancé un véritable boom de construction d'écoles. Aujourd'hui, elles vieillissent. L'année dernière, les millions dépensés en travaux ne suffisaient même pas à en ralentir la décrépitude. Elles se dégradent plus vite qu'on ne les répare. Or, dans son cadre financier, la CAQ prévoyait moins d'argent en travaux que les libéraux.

Et même si on dépensait assez pour les rénover, cela ne changerait rien à la pénurie de classes à venir. Il faudra en ouvrir d'autres. Beaucoup. D'ici 2025, près de 100 000 élèves s'ajouteront au primaire et au secondaire.

La pénurie de personnel s'aggravera aussi. À l'heure actuelle, près d'un enseignant sur quatre quitte la profession après cinq ans de métier à cause des conditions invivables. M. Legault promet de mieux les payer, de leur offrir du mentorat et des formations. Et il veut aussi leur adjoindre plus de personnel spécialisé comme des orthopédagogues. Ce sont d'excellentes idées. Tout comme le premier ministre voit juste en voulant intervenir le plus tôt possible pour traiter les troubles d'apprentissage chez les tout-petits.

Au fond, la réussite scolaire n'est pas si compliquée. M. Legault devrait d'abord revenir à l'essentiel : la qualité de la relation avec l'enseignant et l'accès précoce à des soins spécialisés. Le tout, de préférence, dans un local sans moisissures...

Des enseignants valorisés et motivés. Des classes inspirantes. Et un réseau de la petite enfance qui traite rapidement les troubles d'apprentissage. Si M. Legault ne réussit que ces trois tours de force, il aura réussi à changer le Québec.

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