Le bénévolat est un peu moins agréable quand il n'est pas choisi. On comprend donc la frustration des étudiants qui manifestaient dans la rue la semaine dernière pour exiger la fin des stages non rémunérés.

Mais malheureusement, il leur faudra un peu de patience. Car même avec la meilleure des volontés, le gouvernement caquiste ne peut immédiatement améliorer leur sort. Avant de régler l'injustice, il doit la comprendre.

Un véritable fouillis règne dans les stages étudiants. On ne connaît pas le nombre de stagiaires, ni le pourcentage qui sont payés, ni la paye.

Et on ne dispose pas non plus de données sur leurs conditions de travail ou leurs protections sociales.

Le nouveau ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, se montre ouvert à corriger l'injustice. Mais avant de demander de l'argent au Conseil du trésor, il doit avoir une idée des besoins. On ne lui remettra pas un chèque en blanc.

Certes, ces considérations politiques ne changeront rien au quotidien des étudiantes - car il s'agit le plus souvent de femmes - qui peinent à joindre les deux bouts. Mais on ne s'en sortira pas sans faire un ménage.

M. Roberge doit d'abord mettre de l'ordre dans les chiffres. Il faut rapidement obtenir un inventaire auprès des cégeps et des universités.

Ensuite, le ministre devra mettre de l'ordre aussi dans les concepts. Tous les stages ne se valent pas. Dans certains cas, le stagiaire est en observation ou en formation. Il ne constitue pas un ajout en main-d'oeuvre pour le milieu de travail. Parfois, il exigera au contraire l'attention d'un employé, qui peut alors moins contribuer à sa tâche habituelle.

Dans un tel cas, on peut comprendre que l'étudiant ne soit pas rémunéré. Mais à tout le moins, il ne devrait pas s'appauvrir. Pour eux, la Fédération étudiante collégiale du Québec a une demande raisonnable : que les dépenses de ces stagiaires soient couvertes, et qu'on leur offre une certaine protection sociale. Pensons seulement aux cas de harcèlement sexuel. Difficile de penser à un groupe de personnes qui mérite plus d'être protégé que les jeunes femmes qui font leurs premiers pas sur le marché du travail.

Dans d'autres cas, les stagiaires accomplissent un réel travail. Hélas, trop souvent, on les payera avec une bonne tape dans le dos.

Cela n'aide pas à payer le loyer... Pour eux, la décence élémentaire exigerait de les assujettir à la Loi sur les normes du travail et de ne jamais les rémunérer sous le salaire minimum. En comptant toutes les heures.

Le mouvement étudiant a déjà fait quelques gains. En 2016, les doctorants en psychologie ont réussi à être rémunérés pour leurs stages. Les futurs enseignants seront eux aussi payés lorsqu'ils donnent leur premier cours à la fin de leur baccalauréat.

Dans le cas des enseignants, la pénurie de main-d'oeuvre et le décrochage ont joué en leur faveur. On pourrait croire qu'en raison des besoins des employeurs, le marché suffira à améliorer les conditions de travail des stagiaires. Mais on ne peut pas se remettre à la magie de la main invisible. Il faudra lui donner un coup de pouce.

Quand le ministre aura vu clair, il n'aura plus d'excuse pour ne pas agir.

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Les meilleures informations disponibles proviennent d'un tout nouveau rapport de l'Institut de recherche en économie contemporaine (IREC), commandé par la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ).

On y estime que 77% des stages ne seraient pas rémunérés. Et que dans 22% de cas, il n'y aurait pas de contrat formel.

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