À lui seul, le blocage de l'oléoduc Trans Mountain condense tous les ratés du gouvernement Trudeau.

Hier, la Cour d'appel fédérale a suspendu l'expansion de cet oléoduc, qui doit relier Edmonton au port de Burnaby, près de Vancouver.

En nationalisant ce projet, M. Trudeau croyait sauver son plan climat. Mais pour l'instant, tout ce qu'il réussit à faire, c'est compromettre les valeurs qu'il prétend défendre.

Les libéraux devaient protéger l'environnement, se réconcilier avec les Premières Nations et se mettre à l'écoute des Canadiens. Or, ils ont foncé la tête première dans ce projet qui hausserait la production des gaz à effet de serre (GES) des sables bitumineux. Et ce, sans réelle négociation avec les autochtones. Et sans non plus consulter les Canadiens.

C'était pour le moins téméraire. Et qu'ont-ils gagné ? Pour l'instant, rien, à part une facture de 4,5 milliards payée à une multinationale américaine pour un vieil oléoduc.

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Pour comprendre le dossier, il faut revenir à la campagne électorale de 2015.

M. Trudeau veut réduire les gaz à effet de serre. Or, l'environnement est une compétence partagée avec les provinces. Pour convaincre l'Alberta, le chef libéral propose un compromis : la province pétrolière recevra le feu vert pour un nouvel oléoduc, et en échange, elle se ralliera à la taxe carbone.

La logique ; l'oléoduc augmenterait les GES, mais cette hausse resterait inférieure à la baisse provenant de la taxe carbone et d'autres mesures, comme la fermeture de centrales au charbon.

Voilà pourquoi M. Trudeau dit que c'est aussi au nom de l'environnement qu'il veut produire plus de pétrole des sables bitumineux, afin de l'expédier en Asie.

Mais hier, il a perdu sur toute la ligne. L'expansion de l'oléoduc a été bloquée par la Cour. Et en réaction, en soirée, l'Alberta a annoncé son intention de se retirer du plan national sur le climat.

Selon le slogan de M. Trudeau, l'économie et l'environnement « vont ensemble ». Mais pour l'instant, les deux ne vont nulle part.

Si ce plan finissait par fonctionner, ce serait déjà un gain par rapport à celui des conservateurs. Leur chef Andrew Scheer ne veut même pas s'engager à respecter l'accord de Paris. Et il prétend que les sables bitumineux seraient plus propres que l'hydroélectricité ou l'énergie solaire...

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En défendant son plan, le gouvernement libéral s'est perdu.

M. Trudeau promettait de consulter les Premières Nations, dans une perspective de réconciliation. Il y a eu de l'écoute... mais rien que de l'écoute. Les émissaires du gouvernement qui tendaient l'oreille n'avaient aucun pouvoir de décision.

M. Trudeau promettait aussi de renforcer les évaluations lacunaires de l'Office national de l'énergie (ONE) faites sous les conservateurs. Il l'a fait, sans toutefois assujettir Trans Mountain à cette nouvelle formule, sous prétexte que le processus était déjà commencé.

Résultat : l'ONE n'a pas vérifié l'impact des navires pétroliers sur les épaulards, une espèce menacée. Et le gouvernement Trudeau n'a pas mené de véritables négociations avec le petit groupe de six communautés autochtones opposées au projet.

Le projet Trans Mountain n'est pas mort. Il est suspendu. Ottawa prévoit relancer une consultation environnementale sur le dossier pointu des épaulards, et relancer aussi de véritables négociations avec les Autochtones.

Reste que même si M. Trudeau a encore un peu de temps, il a déjà payé très cher ses erreurs. En fait, tous les Canadiens payent.

Le printemps dernier, le premier ministre a plié face au chantage de Kinder Morgan. La multinationale lui a donné un ultimatum : l'expansion devait recevoir le feu vert d'ici le 31 mai. Sinon, le projet mourrait. Pour sauver l'oléoduc, le gouvernement libéral l'a donc acheté. Et ce, même s'il savait que le projet pourrait être bloqué par les tribunaux.

Les actionnaires sont morts de rire. Hier, pendant que la Cour suspendait l'expansion de Trans Mountain, eux avalisaient la vente au Canada. Ils se faisaient de l'argent en se débarrassant d'un possible navet.

Certes, le Canada est un pays aussi vaste que difficile à gouverner. Contrairement aux conservateurs, les libéraux veulent consulter les autochtones et réduire les gaz à effet de serre. Ils essaient, mais ils y échouent encore.

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