Égalité et croissance, s'intitule le nouveau budget libéral. L'ordre est important. Pour le gouvernement Trudeau, l'un mène à l'autre.

À n'en pas douter, il s'agit d'un budget féministe. L'égalité dont on parle, c'est d'abord celle des sexes. Et ensuite, dans une moindre mesure, celle du revenu.

L'objectif est double. Lutter contre ces inégalités est une fin en soi, et aussi un moyen pour relancer la modeste croissance économique prévue (sous 2% de 2019 à 2021).

Sur papier, tout cela est fort pertinent. Mais comment y arriver? Le budget est plus généreux en mots qu'en chiffres. Plus riche en diagnostics qu'en remèdes.

Il rappelle que les femmes sont plus diplômées que les hommes, mais moins payées et moins promues dans les postes de direction. L'écart s'agrandit en science et technologie, secteur d'avenir.

Les solutions sont cependant moins étoffées. Ottawa adoptera une loi sur l'équité salariale et bonifiera le congé parental. Or, la première mesure ne s'appliquera qu'aux employés sous réglementation fédérale. Et la seconde n'affectera pas le Québec, car son régime d'assurance parentale est plus généreux. Même chose pour la consultation sur l'assurance médicaments, que le Québec possède déjà.

Le budget Morneau contient plusieurs autres petites annonces qui profiteraient particulièrement aux femmes. Il indexera l'allocation pour enfants et haussera celle pour les aidants naturels. Il renfloue aussi un fonds pour les femmes qui lancent des petites et moyennes entreprises. Et un nouveau test sera créé pour analyser l'effet sur les femmes de chaque nouvelle loi ou politique.

Certes, il est important que le fédéral se soucie du message envoyé sur l'égalité des sexes. Et il est normal de miser sur une multitude de mesures, car il n'existe pas de recette miracle. Le problème est ailleurs. En fait, il y en a deux.

Le premier, c'est que ces mesures sont énoncées de façon générale, sans que l'on détaille leur mise en oeuvre ou leur coût total. Cela rappelle les précédents budgets qui misaient sur les infrastructures, les autochtones et le logement. On y a réitéré des principes et lancé des programmes, mais il reste à négocier avec les autres ordres de gouvernement pour choisir les projets. Un mur de bureaucratie nous sépare encore du fil d'arrivée.

Le second problème, c'est que pour développer l'économie, le budget parle peu... d'économie. En soi, les mesures pour l'égalité des sexes sont nécessaires, tout comme la hausse de l'allocation aux travailleurs à faible revenu. Il est toutefois surprenant de s'en remettre autant à elles pour accélérer la croissance.

Il est vrai que le gouvernement Trudeau vient de financer cinq «supergrappes» d'innovation, dont une au Québec. Mais c'est à moyen et long terme qu'on récoltera les fruits de cet investissement judicieux.

À court terme, le budget offre surtout un recul partiel sur la réforme fiscale risquée des PME. Quant à la menace Trump aux États-Unis, M. Morneau réfléchit. Et pour la taxation des géants en ligne comme Facebook et Netflix, il demeure obstinément passif. C'est une injustice qui l'indiffère...

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L'opposition conservatrice s'inquiète que le budget ne prévoie pas de retour à l'équilibre budgétaire. Elle a raison de souligner que les libéraux violent deux engagements : des déficits inférieurs à 10 milliards, et le déficit zéro en 2019.

Par contre, la faute est plus politique qu'économique. Le déficit reste modeste (moins de 1% du PIB), le poids de la dette dans l'économie continue de baisser et la note de crédit est excellente.

En fait, Ottawa fait le contraire de Québec. M. Trudeau a dépensé massivement en début de mandat, tandis que M. Couillard a d'abord resserré les dépenses, avant de ressortir le chéquier avant les élections. Le fédéral a le mérite d'être moins électoraliste.

Si l'économie ralentit, M. Trudeau pourrait toutefois manquer de munitions. Surtout si toutes les belles intentions de ce budget ne se concrétisent pas là où cela compte, dans la réalité.

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