Des emplois, des emplois, des emplois. Voilà ce que les partis promettent à chaque campagne électorale. Il y a une raison : c'est vendeur. Les ouvertures d'usine offrent de belles images et elles font gagner des votes.

Mais il va falloir changer le refrain, car la création d'emplois ne constitue plus une priorité. Le Québec souffre plus d'un manque de travailleurs qualifiés que d'un manque d'emplois. C'est à cette pénurie de main d'oeuvre que les partis devraient s'attaquer.

Pour s'en convaincre, on n'a qu'à consulter le nouveau bilan de l'emploi de l'Institut du Québec.

Depuis trois ans, le Québec enregistre une création nette d'emplois, et la majorité d'entre eux sont à temps plein.

Et en même temps, le chômage recule. En 2017, il a atteint un plancher de 4,9 %.

Tout indique donc que le gouvernement Couillard atteindra sa cible de créer 250 000 emplois.

Bien sûr, il faut mettre un gros bémol. Comme Robert Bourassa en 1976 ou Jean Charest en 2012, Philippe Couillard a ressorti cette vieille promesse en 2014. Elle était racoleuse, car un gouvernement ne crée pas lui-même ces emplois. Il peut aider ou nuire en instaurant un climat propice à l'emploi. Mais il ne contrôle pas d'autres facteurs décisifs, comme le contexte économique et la démographie.

Ces nuances étant faites, ne banalisons pas la bonne nouvelle : le Québec semble avoir atteint le plein-emploi. Vient maintenant un nouveau défi : combler la pénurie de main-d'oeuvre. Il y a plus de 90 000 postes vacants. 

Voilà le contexte dans lequel commence la pré-campagne électorale. Cela devrait forcer tous les partis à réajuster leurs engagements sur l'éducation, l'immigration et l'aide aux entreprises.

 - En éducation, le gouvernement Couillard lançait hier son sommet sur la main-d'oeuvre. Il a promis de promouvoir la formation professionnelle. Mais parler de ces programmes ne suffira pas. Il faudrait aussi donner aux cégeps les moyens de les améliorer. Or, les cégeps peinent à ajuster leurs formations en fonction des besoins du marché du travail, à cause de l'étouffante bureaucratie. Il faut parfois attendre plus de cinq ans avant que le ministère autorise un nouveau programme !

 - En immigration, du travail reste à faire autant dans la sélection des candidats que dans leur intégration.

Montréal, une métropole universitaire, retient encore un trop faible pourcentage de ses étudiants étrangers. Il s'agit pourtant des candidats les plus formés pour nos besoins en emploi. Pour les immigrants formés à l'étranger, le gouvernement Couillard a récemment adopté une loi facilitant la reconnaissance des diplômes dans les ordres professionnels. Reste toutefois à voir comment chaque métier appliquera la loi. Et cela ne fera rien pour la majorité des travailleurs dont le métier n'est pas régi par un ordre.

L'intégration au marché du travail ne se résume pas à un simple arrimage entre la formation d'un immigrant et les besoins d'une entreprise, comme si on emboîtait des Lego. Il s'agit avant tout d'histoires humaines. Un exemple : un soudeur hésite à se rendre à Rouyn, car il connaît mal la région et ne trouve pas d'appartement.

On l'a déjà écrit ici, l'immigration n'est pas un remède miracle pour régler la pénurie de main-d'oeuvre. Mais à l'inverse, il faut reconnaître que certains discours travaillent fort à en faire un échec...

 - Enfin, pour l'aide aux entreprises, il faudra ajuster les stratégies. Même si les crédits d'impôt pour la main-d'oeuvre restent populaires, il devient plus pertinent d'appuyer la formation continue pour les employés existants, ou d'encourager la formation des potentiels candidats pas tout à fait qualifiés pour un poste.

Dans certains secteurs comme les technologies de l'information, il y a urgence. Même si les entreprises vantent la qualité de la main-d'oeuvre québécoise, il leur manque de la quantité. Et elles risquent de la chercher ailleurs, comme aux États-Unis, là où le président Trump vient de baisser les impôts.

On pourrait ajouter une autre catégorie, les mesures ciblées aux femmes. Elles sont encore sous-représentées dans les secteurs d'avenir, comme les sciences et technologies. Et ce déséquilibre commence très tôt. Par exemple, on rapporte qu'il n'y aurait pas beaucoup de jeunes filles dans les camps de sciences. Un récent rapport de la firme Mackenzie a démontré l'ampleur de ce potentiel*.

Notre liste n'est pas exhaustive. Il existe sûrement de nombreuses autres idées. Malheureusement, aucune de ces mesures n'est très sexy. Elles n'attireront pas les caméras de télé, et elles ne feront pas gagner la campagne. Il faudra une certaine audace pour rêver en beige.

Lisez le rapport de la firme Mackenzie à ce sujet (en anglais)

Photo Alain Roberge, Archives La Presse

Le gouvernement Couillard a promis de promouvoir la formation professionnelle. Sur la photo, un élève de l'École des métiers de l'aérospatiale de Montréal.

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