La compétence constitutionnelle en matière d'assurance est certes un sujet emballant, mais le vif enthousiasme avec lequel Ottawa et Québec le défendent peut sembler étonnant.

Le gouvernement Couillard a demandé vendredi à la Cour d'appel de vérifier la constitutionnalité de la nouvelle loi fédérale contre la discrimination génétique, et le gouvernement Trudeau veut donner le même mandat à la Cour suprême. En théorie, cela paraît juste et bon. Mais que ce soit ou non leur intention, cela se traduit pour l'instant par le plus strict respect du droit de ne rien faire...

En 1997 et en 2003, l'UNESCO a adopté des déclarations universelles sur le génome et les droits de la personne. Le Conseil économique et social de l'ONU a suivi en 2004 avec une déclaration sur la confidentialité des données génétiques.

Déjà à l'époque, on anticipait les questions éthiques soulevées par ces tests qui diagnostiquent une maladie ou prédisent la probabilité d'en être atteint.

Par exemple, un assureur devrait-il pouvoir forcer un client à en passer un? Ou peut-il à tout le moins réclamer les résultats d'un test que son client a déjà lui-même choisi de passer? Alors que les tests génétiques deviennent plus rapides, fiables et abordables, ces questions pressent plus que jamais.

L'année dernière, le Canada était pourtant encore le seul pays du G7 à ne pas avoir légiféré au sujet de ces tests. Dans ce vide législatif, les assureurs avaient choisi de s'autoréglementer. Ils s'engageaient à ne pas exiger un test à leur client, mais ils se gardaient la possibilité de demander les résultats d'un test déjà effectué. En 2013, un sénateur libéral a déposé un premier projet de loi pour interdire la discrimination génétique. Il a été redéposé après l'élection.

Selon le gouvernement Trudeau, le projet de loi s'immisçait dans les compétences des provinces. C'est ce que lui ont aussi dit le Québec, la Colombie-Britannique et le Manitoba. De nombreux constitutionnalistes ont par contre soutenu le contraire lors de l'étude du projet de loi en comité parlementaire à Ottawa.

Donnons un mérite à M. Trudeau : il a tenu parole en accordant le vote libre à ses députés sur cette initiative.

C'est ainsi que loi est entrée en vigueur en mai, malgré le désaccord de son gouvernement majoritaire.

On le répète, ce débat n'est pas neuf. Mais Québec continue de réfléchir, en n'écartant pas de ne rien faire. Bref, de laisser les tribunaux juger des tests génétiques en vertu des chartes écrites bien avant leur invention. C'est seulement le mois dernier que le comité ministériel de Québec a commencé ses travaux. Le gouvernement Couillard annonce qu'un projet de loi pourrait venir d'ici la fin de l'année, si c'est l'option retenue... Et encore là, il faudrait trouver le temps pour étudier et adopter la loi, alors que les élections approchent et qu'il y a déjà un engorgement de projets de loi en justice et réforme démocratique.

On comprend donc que Québec ne sera pas pressé d'attendre la décision de la Cour d'appel sur la constitutionnalité de la loi fédérale...

Bien sûr, Québec doit défendre ses compétences. Mais les exercer pleinement, c'est encore mieux.

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