Pour les discours, le gouvernement Trudeau est un leader de la lutte contre les changements climatiques. Mais pour les gestes, il ressemble parfois à un suiveur. Un suiveur du plus bas dénominateur commun américain.

On en a eu la preuve la semaine dernière avec le report du règlement sur les émissions de méthane, un puissant gaz à effet de serre (GES). L'entente avait été signée en mars 2016 par M. Trudeau et le président Obama. Elle prévoit une baisse de 40 à 45 % de ces émissions par rapport au niveau de 2012. La mesure devait entrer en vigueur en 2020.

Or, le président Trump a signé à la fin mars un décret pour l'abolir. M. Trudeau a réagi en imitant son homologue. « Il faut écouter l'industrie [pétrolière] », a justifié la ministre libérale de l'Environnement. Donald Trump ne dit pas autre chose.

À cause de ce report, le règlement n'entrerait en vigueur qu'en 2023, soit bien après la fin du mandat du gouvernement Trudeau.

Les libéraux se sont donc engagés à laisser le problème au prochain gouvernement.

Embêtante coïncidence, ce report survient alors que le nouvel inventaire des GES confirme que le Canada poursuit sa fuite vers l'avant.

Dans l'opposition, les libéraux dénonçaient la cible de réduction du gouvernement Harper pour 2030 (baisse de 30 % sous le niveau de 2005). Au sommet de Paris, M. Trudeau a demandé aux autres pays d'en faire plus. Mais lui se contente de reprendre la cible de son prédécesseur. Et il n'est même pas à la hauteur de ce manque d'ambition - le plan libéral pancanadien dévoilé en décembre dernier ne suffit pas pour atteindre les cibles conservatrices.

Alors qu'il faut en faire plus, les libéraux annoncent maintenant qu'ils en feront moins avec le méthane. Et le problème semble pire que ce qu'indiquent les chiffres officiels - selon une étude dévoilée hier par la Fondation David Suzuki, les émissions de méthane du gaz de schiste de Colombie-Britannique seraient sous-évaluées.

Les libéraux veulent protéger la compétitivité des sociétés pétrolières et gazières par rapport à leurs concurrentes américaines. Leur position est pragmatique... mais c'est justement ce pragmatisme qui paralyse la lutte contre les changements climatiques. Chacun avance à un rythme pénible par crainte d'être désavantagé face à son voisin.

Selon l'industrie, quand les États-Unis reculent, le Canada devrait lui aussi faire « bip bip bip ». Elle omet de dire que des États comme la Californie, le Colorado et la Pennsylvanie maintiennent leurs normes d'émissions plus sévères.

Les lobbyistes menaient la même campagne anti-réglementation bien avant l'élection de M. Trump. Même lorsque le prix du baril s'élevait à 100 $ ce n'était pas le bon moment non plus. Ce n'est jamais le bon moment.

Le report d'Ottawa est d'autant plus désolant que les émissions de méthane sont perçues comme n'étant pas si compliquées à réduire. On peut faire diminuer les fuites en améliorant l'équipement (pompe, compresseur, puits, etc.).

Il est indéniable que le gouvernement libéral fait mieux que les conservateurs, avec sa tarification nationale du carbone, son projet de norme sur les carburants propres et son enveloppe pour les infrastructures vertes. Mais entre ses paroles et ses gestes, le fossé demeure abyssal. Et maintenant, au lieu d'avancer, M. Trudeau recule. Sa crédibilité aussi.

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