Il y a une décourageante insouciance dans l'aide aux élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage (EHDAA). Notre système dysfonctionnel intervient trop tard et parfois avec la mauvaise solution, quand il n'aggrave pas lui-même le mal...

Même s'il manque d'intervenants spécialisés, arroser ce système de quelques millions de dollars équivaudrait à «verser de l'eau dans le sable», comme a déjà prévenu le professeur Égide Royer*.

Le ministre de l'Éducation, Sébastien Proulx, déposera ce printemps sa politique de réussite éducative. Il devra comprimer les étapes pour raccourcir les délais entre le premier signal d'un problème et l'intervention d'un spécialiste. Reconstruire le réseau à la hache.

La corvée s'annonce colossale. Au début des années 2000, un élève sur dix était un EHDAA. Maintenant, c'est un sur cinq, et ils en arrachent.

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À l'heure actuelle, chez les EHDAA :

- La moitié décrochera

- Le quart obtiendra un diplôme d'études secondaires

- Le quart obtiendra un autre certificat ou qualification

- Leur taux de décrochage est trois fois plus élevé que la moyenne.

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Pourquoi sont-ils plus nombreux?

D'abord, à cause d'une mode idéologique au surdiagnostic. Même si le phénomène est difficile à quantifier, le Collège des médecins en a parlé ouvertement. C'est inutile et même nuisible. En accolant trop vite une étiquette à un enfant, on risque de confondre la conséquence et la cause de ses troubles. Par exemple, un jeune qui peine à se concentrer a peut-être le ventre vide, un foyer instable ou encore comprend mal le français. Un diagnostic médical cacherait ces difficultés et empêcherait de s'y attaquer.

Ensuite, les EHDAA deviennent peut-être plus nombreux à cause d'incitatifs dans le réseau scolaire. Plus une commission scolaire en déclare, plus elle obtiendra une grande part de l'enveloppe provinciale en aide spécialisée.

Pour compliquer le portrait, ajoutons deux cas de parents : l'inquiet qui veut un diagnostic pour obtenir un meilleur encadrement ou encore l'orgueilleux qui ne veut pas qu'on accole un trouble à son enfant.

Que retenir de tout cela? Qu'un scepticisme prudent s'impose au sujet de la réelle ampleur de la hausse des EHDAA.

Bien sûr, ce qui suscite l'inquiétude n'est pas l'incertitude sur le véritable taux d'EHDAA, mais plutôt leur indéniable taux d'échec. Il reste qu'il y a un lien entre les deux.

Prenons l'exemple d'un garçon de 7 ans qui peine à suivre la classe. Dès septembre, ses parents ou son enseignant soupçonnent un quelconque trouble. On lui fait consulter un spécialiste qui fera rapport à la commission scolaire, qui à son tour enverra le dossier au ministère de l'Éducation, qui contactera ensuite un professionnel pour valider le diagnostic avant de reprendre contact avec l'école et de réfléchir à l'intervention requise. À la fin de l'hiver, notre petit bonhomme risque ainsi d'attendre encore de l'aide.

Le diagnostic doit bien sûr être validé, mais rien ne justifie autant de délais et de paperasse. Il n'est pas normal que les spécialistes consacrent 40% de leur temps à des tâches administratives, comme le rapportait en 2015 notre collègue Tommy Chouinard. Il n'est pas normal que les exigences de la bureaucratie passent avant celles des élèves.

Agir plus tôt permettrait de prévenir que des petits retards grossissent jusqu'à devenir insurmontables. Car - excusez le radotage - les recherches répètent que l'intervention doit être la plus précoce possible pour prévenir l'échec.

Même s'il y a - pardonnez à nouveau le radotage - un réel manque d'orthopédagogues, psychoéducateurs et autres spécialistes dans le réseau scolaire, réinvestir ne suffira pas. Il faut trouver le moyen de poser des diagnostics plus précoces et précis, et d'intervenir rapidement avec ceux qui en ont vraiment besoin. Ou pour le dire autrement, il faudra rompre avec notre tolérance à l'échec.

* Intervention d'Égide Royer, professeur à la faculté des sciences de l'éducation de l'Université Laval, en commission parlementaire en février 2016

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