Dans les années 70, des orchestres symphoniques ont trouvé une façon originale de lutter contre le sexisme : ils ont fermé les yeux.

En faisant des auditions derrière un rideau, la probabilité de choisir une femme a augmenté de 50%.

Pour lutter contre la discrimination en emploi dans le secteur privé, il faudrait aussi agir en aveugle. Une mesure facile à adopter pourrait aider Fatima, Jean-Guy et Esteban à avoir la même chance d'être convoqués en interview : le CV anonyme.

Le nom et sexe seraient effacés afin d'évaluer seulement la compétence et l'expérience.

L'idée, qui existe dans quelques autres pays, a été relancée hier par le Parti québécois. Ce n'est pas une recette miracle, loin de là. Mais elle pourrait atténuer le problème, un peu. Assez pour justifier qu'on la teste dans un projet-pilote.

C'est connu, le chômage est plus élevé chez les immigrants, particulièrement chez les minorités visibles. Les causes sont nombreuses et complexes. Elles incluent la francisation déficiente, la non-reconnaissance des diplômes ou encore la sélection d'immigrants qui ne correspondent pas aux besoins du marché de l'emploi.

La discrimination n'est qu'un facteur parmi plusieurs autres. Reste qu'elle existe, ici comme ailleurs. Une étude de la Commission des droits de la personne a démontré en 2012 qu'un CV avec un nom étranger a moins de chances d'être retenu pour une interview. C'était pire pour les noms africains ou arabes.

Pour contourner ce biais, des pays comme l'Allemagne, la Belgique (secteur public) et la France (secteur privé) ont adopté le CV anonyme pour certains postes.

En 2006, la France a voté une loi pour obliger les entreprises de plus de 50 employés à anonymiser les CV. Or, le décret n'a jamais été adopté, et la loi n'est donc pas entrée en vigueur.

Seule une poignée d'entreprises volontaires ont modifié leur processus d'embauche. Ce fut un échec. La diversité de leurs employés n'a pas augmenté, a observé quelques années plus tard une étude. La petitesse de l'échantillonnage empêche toutefois d'en généraliser les conclusions. D'autant plus que d'autres pays ont noté un effet positif.

Le cas français devrait inciter à la prudence.

Au lieu de commencer par la méthode forte puis reculer et décrédibiliser le processus, mieux vaudrait procéder par étapes. Soit en facilitant l'adoption de normes avec un projet-pilote pour les entreprises volontaires de certains secteurs, puis en vérifier l'efficacité.

On insiste, le CV anonyme n'est qu'un outil parmi d'autres. Il comporte aussi des limites. Par exemple, il n'empêche pas la discrimination lors de l'interview, il peut être contourné en recrutant via un réseau de contacts et il peut être déjoué en se basant sur d'autres lignes du CV (ville d'études, etc.).

L'effet serait-il donc positif? Pour le savoir, il faudrait le vérifier. Mais la simple promotion du programme aurait le mérite de sensibiliser au problème.

ET DANS LE PUBLIC?

La fonction publique et parapublique s'est dotée d'une politique d'accès à l'emploi dans les années 80. Il n'y manque pas de normes et de programmes. C'est plutôt le contraire, a constaté en 2013 une étude du Centre d'études ethniques des universités montréalaises.

Il existe de bons modèles comme la STM, notaient les chercheurs. Mais selon eux, un ménage s'impose. Ils recommandaient d'harmoniser les cibles et les façons de mesurer leur atteinte.

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