« La protection du consommateur est au coeur de notre approche. Soyons clairs : avec ce projet de loi, nous visons une amélioration. »- Bill Morneau, ministre des Finances

Il y a trois façons d'interpréter cet énoncé orwellien du ministre sur la réforme de la Loi sur les banques : 

a) Il ne sait pas de quoi il parle.

b) Il le sait, mais il ne s'encombre pas des faits.

c) Toutes ces réponses.

Même si le gouvernement Trudeau prétend que son projet de loi C-29 protégera mieux les consommateurs contre les banques, il fera le contraire au Québec. Exactement le contraire !

On aurait pu espérer que pour la forme, les libéraux expliquent que « c'est compliqué ». Qu'il faut trouver un équilibre au nom d'une croissance-inclusive-pour-la-classe-moyenne dans une économie-robuste-et-durable. Qu'on doit couper la poire en deux pour rendre les contrats transparents sans alourdir la paperasse. Bref, un bon communiqué de presse.

Mais non, le gouvernement Trudeau a préféré jouer le grand bluff. Après avoir désarmé les consommateurs québécois devant les banques, il se félicite et demande à être applaudi.

C'est une façon comme une autre de souhaiter Joyeux Noël à ceux qui ne sont pas dans le besoin...

Il a fallu sortir la loupe pour trouver ce cadeau dans le projet de loi mammouth de 244 pages. L'offrande prend la forme d'une attaque contre le régime québécois. Le texte affirme la « prépondérance » du régime fédéral de protection des consommateurs sur ceux des provinces. Ce nouveau régime deviendrait « complet et exclusif ». En français, cela signifie qu'il se substituerait à des dispositions de la Loi sur la protection du consommateur du Québec.

Cela pose deux immenses problèmes.

Le premier concerne les consommateurs québécois. Les règles du jeu au fédéral les protégeront moins contre les frais de taux de change, la hausse non sollicitée de la limite de crédit et d'autres possibles pièges écrits en petits caractères. Et l'arbitre qui appliquera ces règles sera édenté. Il s'agit de l'ombudsman fédéral, qui règle les plaintes en retard et au rabais, comme le dénonçait un rapport indépendant en juin dernier.

Le second problème concerne le fédéralisme. Il est vrai que la réforme aiderait des provinces qui n'ont pas de loi musclée et avant-gardiste comme celle du Québec. M. Trudeau aurait pu adopter un régime commun minimal, puis laisser les provinces le bonifier ensuite. Cela aurait renforcé la protection de tous les Canadiens. Mais il a préféré niveler par le bas. Est-ce à cause d'une obsession fédérale pour uniformiser les normes ? À cause de pressions des banques pour mieux respirer au Québec ? Peu importe la cause, le résultat est le même : M. Trudeau rompt sa promesse de collaborer avec les provinces « dans le respect des différences ».

En 2012, le gouvernement Harper avait tenté une manoeuvre semblable. Puis en 2014, dans un jugement unanime, la Cour suprême avait confirmé que même si les banques relèvent du fédéral, les provinces peuvent se doter de leurs propres lois de protection du consommateur.

Rien ne justifiait donc cette nouvelle intrusion du fédéral. L'Assemblée nationale l'a dénoncée, ainsi que plusieurs autres groupes comme la Chambre des notaires. À Ottawa, tous les partis de l'opposition la critiquent aussi, sans oublier de nombreux sénateurs.

Il n'est pas trop tard pour que le gouvernement Trudeau entende raison. Le projet de loi pourrait facilement être corrigé, en précisant que les provinces peuvent renforcer le régime fédéral avec leurs propres lois.

On ignore comment les banques agiraient sous le régime proposé ou comment les tribunaux interprèteraient les futurs litiges. Peut-être que les consommateurs écoperaient moins que prévu. Mais c'est au gouvernement Trudeau de prouver en quoi ce risque mérite d'être pris. Il ne l'a pas fait, à part dans la réalité parallèle où il continue de vivre.

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