Pour rester optimiste dans le dossier du bois d'oeuvre, il faut avoir un don particulier pour l'imagination. Car il est bien difficile de voir comment l'élection de Donald Trump pourrait aider l'industrie forestière canadienne.

Le président désigné a passé sa campagne à conspuer l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Il promet maintenant de le renégocier. Ou de s'en retirer. Ou peut-être de revenir à l'ancien accord bilatéral avec le Canada. Enfin, ce n'est pas bien clair... Ses intentions semblent demeurer une énigme pour lui-même.

Ce que l'on sait pour l'instant, c'est que peu importe les positions du président Trump, notre industrie du bois d'oeuvre s'apprête à rejouer dans la même mauvaise pièce.

La dernière entente est échue depuis octobre 2015, et la période de renégociation prévue d'un an s'est terminée cet automne. Encore une fois, notre industrie profite d'une brève accalmie - sans entente, le libre-échange s'applique. Et encore une fois, la tempête approche. Tout indique que l'industrie américaine va se plaindre à Washington de la concurrence prétendument déloyale de ce libre-échange. Au terme de ce processus biaisé, on « démontrera » comme d'habitude ce qu'on avait choisi dès le départ de prouver. Le Canada sera accusé, surprise, de dumping. Des tarifs douaniers d'environ 25 % pourraient être imposés dès le printemps 2017.

L'industrie américaine a pourtant tort. À quatre reprises, les tribunaux commerciaux ont confirmé que les régimes forestiers des provinces canadiennes ne constituaient pas une concurrence déloyale. Et c'est encore plus vrai depuis que le Québec a modifié son régime pour y ajouter des mécanismes de marché.

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Cela était appréhendé bien avant l'élection de Donald Trump, et l'administration Obama n'était pas la principale responsable.

Le problème est encore plus profond, et il existe peu importe le gouvernement : l'industrie américaine possède un droit de veto sur l'entente. Tout accord doit être approuvé par un vote majoritaire de la U.S. Lumber Coalition.

Par son lobbying agressif, ce groupe empêche Washington de conclure un accord juste. Et, pire, il réussit à faire imposer des droits punitifs qui saignent notre industrie. Bien sûr, le Canada risque d'être indemnisé à nouveau après une autre victoire devant un tribunal commercial. Mais pendant cette longue bataille, des emplois risquent de se perdre chez nous, et des usines pourraient fermer.

Pour les forestières américaines, la mauvaise foi est donc payante. Même en cas de défaite, elles réussissent à étouffer leurs rivaux.

Dans ce contexte, que peut-on espérer du président Trump ? L'idéal serait que l'industrie américaine perde son droit de veto. Mais il sera utopique de changer le processus d'approbation de l'entente pendant qu'on la négocie.

La possible réouverture de l'ALENA offre un mince filet d'espoir. Le bois d'oeuvre est exclu de cet accord. L'inclure permettrait d'enfin négocier ce dossier entre gouvernements, sans le veto de l'industrie. Mais comme l'a résumé hier l'ancien ambassadeur du Canada aux États-Unis, Raymond Chrétien, les Américains sont « plus riches et plus puissants » que nous, et « ils ne font jamais de cadeau ». Une telle concession s'accompagnerait de nouvelles demandes.

Il faudra donc à nouveau se battre. Et cette fois, ce sera contre un président imprévisible qui n'a pas l'habitude de tendre l'autre joue.

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