La Sûreté du Québec (SQ) est devenue une police politique, mais ce n'est pas en donnant plus de pouvoir à l'opposition qu'on réglera le problème.

Les caquistes, péquistes et solidaires voudraient que le patron de la SQ soit nommé par les deux tiers des députés, comme c'est le cas pour les officiers de l'Assemblée nationale (commissaire à l'éthique, commissaire au lobbying, vérificateur général, directeur général des élections et protecteur du citoyen).

Cette solution comporte toutefois sa part d'inconvénients, et elle ne réglerait pas le véritable malaise. Car le coeur du problème n'est plus la personne qu'on assoit sur le siège ; c'est que ce siège est éjectable.

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Avant la réforme de 2014, le malaise provenait autant de la façon de nommer que de celle de dégommer. Le gouvernement choisissait seul le chef de police. Il y avait des portes tournantes au sommet du quartier général rue Parthenais.

Un mois seulement après son élection en 2012, le gouvernement Marois congédiait déjà le patron de la SQ. Pourquoi ? Le ministre de la Sécurité publique, Stéphane Bergeron, peinait à le justifier. On comprend qu'il voulait placer son homme, Mario Laprise. C'est d'ailleurs à lui que le ministre avait commandé l'enquête qui a mené à la chasse aux sources journalistiques...

Après son élection en 2014, le gouvernement Couillard a modifié le mode de nomination.

Le ministre de la Sécurité publique choisit désormais un candidat parmi une courte liste dressée par un comité d'experts indépendants. Il s'agit d'une indéniable avancée, mais ce processus reste perfectible.

Par exemple, trois des quatre membres proviennent du milieu policier. Peut-être pourrait-on ajouter au comité des criminologues, intervenants communautaires ou membres de l'opposition.

Mais faut-il que ce choix soit entériné par les deux tiers de l'Assemblée nationale ? Cela ne donnerait qu'une illusion d'indépendance. Certes, l'opposition a raison de rappeler que la SQ - et l'UPAC qui en relève encore - est le seul corps policier à pouvoir enquêter sur un député. Il y a une apparence de conflit d'intérêts dans le fait que le gouvernement nomme celui qui pourrait enquêter sur lui. Mais la SQ peut aussi enquêter sur un élu de l'opposition.

On n'éliminerait donc pas tout à fait l'apparence de conflit d'intérêts. Et surtout, on créerait un nouveau problème : le marchandage entre partis. Cela pourrait mener à des délais, comme l'intérim de trois ans du vérificateur général, bloqué par les péquistes qui ne digéraient pas un rapport critique à leur endroit. Et cela pourrait aussi mener à l'occasionnelle sélection de candidats qui ont pour principal mérite de ne faire peur à personne...

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On comprend pourquoi la commission Charbonneau ne recommandait pas que l'Assemblée nationale choisisse le patron de l'Unité permanente anticorruption (UPAC). Elle s'inspirait plutôt du processus du Directeur des poursuites criminelles et pénales, mené par un comité d'experts indépendants.

Un mode de nomination semblable existe aussi pour les juges. Or, contrairement aux juges, les chefs de police sont sur un siège éjectable après leur nomination. Voilà où réside le principal risque d'ingérence politique. Le rapport Charbonneau proposait donc de rendre le mandat du directeur de l'UPAC plus long mais non renouvelable. Et le congédiement devrait être justifié par une « juste cause », y est-il écrit.

Ces changements apparaissent dans un projet de loi déposé en juin dernier sur l'UPAC. La même logique devrait prévaloir pour la SQ.

Cela ne règlera pas tous les problèmes, mais il s'agit d'un bon endroit pour commencer.

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