« Plus personne ne va là, il y a trop de monde. » La boutade de Yogi Berra, qui visait une pizzeria, s'applique mal à Montréal. Parce qu'avant de choisir son trajet, on ignore parfois où les cônes orange se seront reproduits.

Un exemple vécu par un camionneur il y a quelques jours : il parle à son répartiteur et choisit un trajet, puis découvre rue Hochelaga qu'une voie est bloquée. L'information n'était pourtant pas indiquée à l'avance sur le site Info-travaux de la Ville de Montréal ou sur les panneaux numériques. Un autre dindon est ainsi allé prendre sa place dans un réseau routier aux allures de cage.

Le transport commercial aggrave la congestion tout comme il en est victime.

La première étape serait de récolter d'abord les gains faciles. Cela commence par amasser des données sur l'industrie (parcours utilisés, temps de déplacement) puis les partager, avec celles sur les travaux.

Ensuite, il faudra réfléchir aux problèmes structurels. Montréal est une île qui n'offre qu'un nombre limité de points d'accès, et les centres de distribution ont été construits près du centre-ville (port, gares de triage, entrepôts de marchandises). Les camions vont ainsi parfois se perdre dans le trafic même s'ils ne font que transiter par Montréal.

Le récent prolongement de l'autoroute 30 a offert une voie de contournement utilisée entre autres par un nouveau pôle de transport commercial à Vaudreuil. Ce genre d'initiative doit être poursuivi.

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Selon l'Agence de protection environnementale des États-Unis, près de la moitié des gaz à effet de serre proviennent de la chaîne d'approvisionnement des produits, de la conception à la livraison. En améliorer l'efficacité permet de réduire la pollution et la congestion, tout en augmentant la rentabilité des industries.

Des chercheurs s'y intéressent de plus en plus, avec leurs travaux sur le « transport intelligent », la « logistique urbaine » et « l'internet physique ».

Par exemple, Benoît Montreuil développe un projet de centre de stockage et distribution partagé par les entreprises, un peu sur le modèle des ports. Les entreprises optimiseraient leurs déplacements, grâce à des applications identifiant un trajet qui permet de toujours rouler avec une charge maximale. Et elles optimiseraient leur espace, en utilisant des contenants modulaires qui s'imbriquent. Plus on s'approcherait du centre-ville, plus la taille du camion de livraison serait petite. Selon des modèles de simulation, les coûts de transport pourraient être réduits d'environ 30 %.

L'industrie du camionnage a toutefois de sérieuses réserves. Elle demande à voir des chiffres sur les prétendus camions qui rouleraient à moitié vide. Les centres de distribution proches du centre-ville plaisent aux clients, ajoute-t-on. Et certaines hésiteraient à partager des informations de nature concurrentielles.

D'autres pistes de solution à court terme sont aussi à étudier, comme la livraison hors des heures de pointe, mais cela exige de revoir les horaires de travail, en plus des problèmes de bruit en soirée.

Il ne manque pas d'idées à examiner. L'obstacle commun à tous ces problèmes, c'est le manque de données pour comprendre le problème, et le manque de coordination pour accoucher d'une vision d'ensemble. C'est à cela, d'habitude, que servent les gouvernements. Nos élus devraient y réfléchir lors de leur prochain séjour prolongé dans un bouchon.

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