Il est maintenant un peu plus difficile de soutenir que le Canada n'en fait pas assez dans le monde.

Au sommet de l'OTAN la fin de semaine dernière, Ottawa a annoncé que 450 militaires se rendraient en Lettonie. Le Canada dirigera ainsi un des quatre nouveaux déploiements défensifs de l'OTAN dans la région (Lituanie, Estonie et Pologne). L'objectif : dissuader la Russie de s'ingérer chez ses voisins.

Il faut dire que le gouvernement Trudeau subissait beaucoup de pressions de l'OTAN, Londres et Washington. « Le monde a besoin de plus de Canada », a lancé le président Obama le mois dernier à la Chambre des communes.

C'est dans ce contexte que s'inscrit la mission en Lettonie. Mais est-ce assez pour affirmer que le Canada fournit sa part d'efforts ? Qu'il est « de retour », comme s'en félicite M. Trudeau ?

Il y a différentes façons de répondre. La première est chiffrée. C'est la méthode de l'OTAN, qui demande à ses membres de dépenser l'équivalent de 2 % de leur PIB en budget militaire. Selon ce critère, la réponse est non. Le Canada n'alloue que 0,99 % de son PIB, ce qui le place 23e parmi les 28 membres de l'alliance. Si on évalue le budget à la fois militaire et humanitaire par rapport au PIB, le résultat n'est pas meilleur ; le Canada se classe dernier du G7.

De telles mesures permettent de comparer les pays en tenant compte de leur capacité de payer, ce qui incite chacun à apporter sa contribution. Mais elles posent néanmoins deux problèmes.

Le premier : le portrait fourni est incomplet, car la somme budgétée importe moins que ce qu'on fait avec elle.

Le second : la cible de l'OTAN est ni réaliste ni souhaitable. Pour l'atteindre, Ottawa devrait doubler son budget militaire.

Tout comme le promettaient les conservateurs, M. Trudeau a haussé le budget des Forces de près de 1 milliard (de 19,4 à 20,3 milliards). On voit mal comment il pourrait ajouter 20 milliards sans sabrer ailleurs ou creuser massivement le déficit.

La priorité n'est pas d'annoncer plus d'argent. C'est de dépenser tout ce qui est budgété, au lieu de reporter année après année l'achat prévu d'équipement, comme l'ont fait les conservateurs et le refont les libéraux.

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Pour évaluer la contribution canadienne, au-delà des chiffres, mieux vaut vérifier si nos Forces répondent actuellement aux demandes justifiées des alliés, et si elles pourront continuer de le faire.

Un premier test a été réussi la fin de semaine dernière. M. Trudeau devrait aussi être en mesure de contribuer tel que promis à de futures missions de paix. Comme le rappelle le politologue Stephen Saideman, même si l'opération en Afghanistan avait mobilisé près de 10 fois plus de troupes que celle en Lettonie, elle n'avait pas empêché de remplir en même temps un rôle humanitaire en Haïti.

Les prochaines épreuves seront toutefois plus difficiles. Le gouvernement libéral a lancé une vaste consultation pour revoir le rôle des Forces. Avec raison, car la dernière politique, dévoilée en 2008, est rapidement devenue désuète à cause de la crise économique.

Or, M. Trudeau ne semble pas prêt à faire des choix difficiles. Malgré la faible hausse prévue des budgets, il a déjà promis de maintenir le nombre de militaires et de bases, de relancer l'achat d'avions-chasseurs et de navires (ravitaillement, patrouille et combat ainsi que brise-glaces), tout en misant sur des troupes « plus légères, plus flexibles et mieux équipées », sans oublier l'aide accrue aux anciens combattants.

Tour cela ne pourra pas être fait en même temps. À moins de dépenser encore plus, il faudra prioriser certains secteurs opérationnels. Bref, oser déplaire.

UNE ÉROSION CONSTANTE

En examinant l'évolution historique du budget militaire canadien, on constate que l'idéologie importe moins que le contexte politique et financier.

Le budget (en % du PIB) diminue progressivement chaque décennie depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Et quand le budget fait du yo-yo, c'est d'abord en raison de la conjoncture économique. Dans les années 90, les libéraux avaient saigné les Forces pour retrouver le déficit zéro. Le gouvernement Harper a par la suite réinvesti dans son premier mandat, avant de faire à son tour des coupes à cause de la crise de 2008.

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