Les chauffeurs de taxi viennent d'apprendre une leçon politique : mieux vaut garder son triomphe modeste.

Lundi, ils menaçaient de paralyser la circulation à Montréal durant le Grand Prix, et réclamaient même un bâillon. Après avoir obtenu un projet de loi qui répondait presque entièrement à leurs demandes, ils demandaient aux élus caquistes de se taire. Certes, l'opposition menaçait de ralentir l'adoption du projet de loi, mais ce n'est pas sa faute si le gouvernement Couillard a tant tardé avant de le déposer. Et les caquistes n'étaient pas les seuls à le critiquer. Des jeunes libéraux, des environnementalistes et plusieurs autres observateurs le dénonçaient aussi avec raison.

Les menaces des chauffeurs de taxi ont intensifié cette grogne, qui a fini par se retourner contre eux. 

Pour éviter leurs perturbations, il faut adopter rapidement une loi. Et pour en accélérer l'étude, il faut l'appui de l'opposition caquiste. Le ministre des Transports, Jacques Daoust, a donc accepté de négocier avec Uber.

En passant de la défense légitime de ses intérêts à la menace, l'industrie du taxi a ainsi tiré dans son propre but. Cette défaite, elle la mérite donc.

L'été dernier, l'ex-ministre des Transports, Robert Poëti, avait lancé un avertissement à l'industrie du taxi : avant de dénoncer Uber, faites le ménage chez vous. M. Daoust a repris ce message l'hiver dernier. Or, qu'ont fait les taxis depuis le dépôt du projet de loi ? À Québec, ils n'ont pas su desservir en moins de deux heures les spectateurs qui sortaient d'un concert au Centre Vidéotron, un événement pourtant prévisible. Et à Montréal, ils ont menacé de bloquer la circulation, alors que la ville croule déjà sous les cônes orange.

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Pour l'industrie du taxi, la défaite reste petite. Le projet de loi avait fermé la porte à Uber, et ce, à double tour. Hier, elle n'a été qu'entrouverte. On reporte la loi de trois mois, en espérant conclure d'ici là un projet-pilote dont les modalités restent à définir. Pour l'instant, on n'a fait que gagner du temps.

M. Daoust annonce qu'il sera guidé par trois principes : l'équité, la sécurité des passagers et la qualité du service. Le premier sera le plus ardu à respecter.

Comme nous l'avons déjà écrit, la gestion de l'offre est un problème créé par l'État. Il ne peut l'abolir sans compensation.

Sinon, il s'agirait d'une grave injustice, même d'une forme d'expropriation. L'industrie du taxi a raison de le répéter, et M. Daoust a raison d'être prudent.

Mais cela ne justifie pas de rester dans un système poussiéreux qui ne sert personne. La mobilité durable exige d'en sortir progressivement, avec un régime à deux vitesses. Le premier régime s'appliquerait au taxi conventionnel, dont le permis offrirait un monopole sur les clients hélés, la répartition téléphonique, les postes d'attente et le transport adapté. Le second s'appliquerait à Uber X, qui indemniserait l'industrie du taxi avec une taxe spéciale. Et bien sûr, tous devraient payer les taxes de vente. Voilà la sortie de secours que devrait chercher M. Daoust. La Coalition avenir Québec devrait l'appuyer.

Quant à Uber, elle devrait se souvenir du jour pas si lointain où son arrogance extrême a mené à la première version du projet de loi, une véritable raclée. La survie de la multinationale au Québec dépendra de sa bonne foi.

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