En démissionnant d'Hydrocarbures Anticosti, Alexandre Gagnon a claqué la porte d'une maison de fous.

M. Gagnon, président de Pétrolia, ne veut plus agir comme porte-parole de cette coentreprise avec l'État, et on le comprend. Le dossier s'englue plus que jamais dans l'incohérence.

D'un côté, le premier ministre Couillard sabote le projet en promettant de « tout faire » pour empêcher l'exploration d'hydrocarbures, qui requiert la fracturation hydraulique. De l'autre, il continue d'y « investir » des millions. La position de Québec se résume ainsi : exploiter le pétrole ou le gaz d'Anticosti serait un désastre, donc nous continuerons d'engloutir des fonds publics pour voir s'il faut concrétiser ce désastre...

Les frontières de l'absurde ont été repoussées à la fin du mois de mai lors du dépôt de l'évaluation environnementale stratégique sur Anticosti. Ce rapport explique comment encadrer une hypothétique exploitation pour minimiser l'impact sur l'écosystème. Ce serait possible sous certaines conditions, conclut-on.

Mais serait-ce rentable ? Il manque d'information pour y répondre, rappellent les experts. En fait, on ignore encore presque tout : le taux d'extraction de la ressource, le coût de production et de transport, sans oublier le prix de vente. On ne sait même pas si le gisement recèle plus de gaz que de pétrole !

Pour en savoir plus, il faudrait d'abord effectuer trois forages exploratoires avec fracturation hydraulique, ce qui nécessite une autorisation du ministère de l'Environnement. Or, pendant que ses fonctionnaires finissaient l'étude, le ministre David Heurtel a ajouté il y a deux semaines un nouveau critère : un comité d'experts examinera à son tour la demande d'autorisation.

Le gouvernement Couillard semble vouloir tuer le projet par asphyxie bureaucratique. Ce sera le supplice des rapports et des reports.

Il y a un petit problème, toutefois. Ce projet, c'est le sien. Québec est à la fois co-promoteur et arbitre environnemental. Et l'arbitre gaspille le temps et l'argent du promoteur en l'empêchant d'évaluer son investissement.

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Le projet Anticosti a dérapé dès le départ à cause de la première ministre Marois, qui cherchait avant tout à boucler un projet économique avant les élections, comme l'explique aujourd'hui notre collègue Martin Croteau.

M. Couillard était pris avec cette entente imprudente conclue de façon illégitime en fin de campagne électorale. Il a essayé de régler le problème, mais il a fini par l'aggraver. Même si ses décisions ont été confuses, sa pensée est aujourd'hui claire. Contrairement aux péquistes et aux caquistes, le premier ministre défend une vision à long terme, qui intègre à la fois l'économie et l'environnement.

Pour sortir le pétrole d'Anticosti, il faudrait construire des infrastructures qui coûteraient de 15 à 21 milliards. Or, Québec veut avoir réduit massivement ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050, rappelle avec raison M. Couillard. Pour respecter cette cible, l'exploitation devrait donc être de courte durée. Cela réduit d'autant la fenêtre pour amortir ces dépenses massives.

L'intérêt économique du projet diminue ainsi. Et rappelons que même sans cette contrainte, le projet intéressait déjà peu les sociétés pétrolières - aucune n'a voulu engager son propre argent avant que le gouvernement péquiste ne les finance.

On comprend donc que Mme Marois a joué à loto-pétrole dans l'espoir de gagner le gros lot électoral.

M. Couillard devrait s'opposer maintenant au projet ou lui donner une chance honnête. Mais peu importe son choix, il ne peut plus continuer d'être en même temps pour et contre. Il n'y a pas de mal à être d'accord avec soi-même.

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